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Articles intéressants sur le foot


Ryan

Messages recommandés

un article sympathique sur le poste d'arrière latéral (suggéré involontairement par Gribbin par sa vision de l'évolution de ce poste sur le topic tactique)

 

http://www.cahiersdufootball.net/article-l-arriere-lateral-est-souvent-gauche-4857

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68 ANS DE CRUYFFISMES

 

Lors de ces 68 années passées ici-bas, Johan Cruyff aura été un orateur hors pair. Qu’on les nomme citations, punchlines,Cruyffismes ou aphorismes, ses déclarations balancées en conférence de presse, dans les médias ou en privé auront toutes marqué ses interlocuteurs. En voici 68. L’Espiègle ne se sera finalement trompé qu’une seule fois…

PAR FLORIAN CADU  VENDREDI 25 MARS 2016
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http://www.sofoot.com/68-ans-de-cruyffismes-219601.html

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J'ai pas connu l'Ajax de Van Gaal en direct mais quand tu regardes les vidéos de l'époque, c'était du très très lourd. Une génération énorme et une vraie "philosophie" de jeu offensif.

Et quand tu vois ce que Van Gaal a fait chez nous, c'est incompréhensible, avec lui les latéraux et les milieux n'avaient pas le droit de dépasser la ligne médiane, va comprendre...

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La saison 2009/2010 du couple Inter-Mourinho fut un épique combat contre et pour l'histoire. Non seulement le clan Moratti ramène finalement la Ligue des champions à la maison après quarante-cinq ans d'attente, mais surtout la Beneamata devient le premier club italien de l'histoire à réaliser le triplé C1-Scudetto-Coppa Italia, un an après le grand Barça de Guardiola. Récit d'un aller simple vers l'histoire.

 

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LE JOUR OÙ L’ANGLETERRE A RETROUVÉ SON FOOTBALL

 

Donnés perdants avant d’entrer sur le terrain, en perte de popularité depuis quatre ans, les Anglais ont réussi à déjouer tous les pronostics face aux Pays-Bas le 18 juin 1996. Résultat, Alan Shearer et ses comparses s’imposent 4-1 et offrent à l’Angleterre l’un de ses meilleurs souvenirs footballistiques. On rembobine.

 

 

 

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Le jour où l’Angleterre a retrouvé son football

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un petit résumé de la création du syndicat des footballeurs professionnels Anglais...j'ignorais totalement la forte implication de 2 joueurs de United dans cette création :

 

https://onclefredo.wordpress.com/2015/12/02/2-decembre-2007-le-premier-syndicat-de-footballeur-voit-le-jour-en-angleterre/

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ENTRETIEN – MARKUS : « CE QUI EST INTÉRESSANT, C’EST LA COMPRÉHENSION DU JEU, PAS LA TACTIQUE »

 
Entretien de Markus Kaufmann – Propos recueillis par Justin Teste (@TesteJustin) pour le site Papinade, en deux parties : Partie 1 et Partie 2
 
 

— Première partie de l’entretien — 

 

Qu’est ce qui t’a amené vers cette étude de la tactique 

 

En réalité, au moment de créer Faute Tactique avec Ruggero, on n’avait jamais pensé en faire un site spécialisé sur l’analyse tactique. L’ambition était de mettre des beaux mots sur le football et de le traiter comme une « noble passion enfantine ». Raconter des histoires autour du jeu, écrire toutes ces images cachées de notre enfance, des hommages pour les super héros années 90, avec quelques références littéraires mais aussi des reportages sur les ultras. Certains articles transpiraient quelques gouttes d’analyse tactique, parce qu’on a été élevé au football italien, mais ça n’était pas le sujet. D’ailleurs c’est un pur hasard que le nom du site contienne le mot « tactique ». Une faute tactique, c’est une initiative individuelle qui tâche de gommer un déséquilibre collectif, alors que quelque part la tactique vise l’inverse : mettre en place une initiative collective pour gommer les déséquilibres individuels. Finalement, c’est Pierre Maturana, rédacteur en chef de So Foot, qui m’a demandé de tenter l’analyse d’un match de l’équipe de France, juste avant l’Euro 2012, et j’ai adoré. C’était contre l’Islande, victoire 3-2 à Valenciennes. Blanc avait aligné Benzema, Ben Arfa, Ménez, Nasri et Gourcuff. Football champagne. L’Islande menait 2-0 à la mi-temps.

J’ai commencé à écrire au moment de l’avènement de l’ère Guardiola-Mourinho. Au printemps 2009, avec cette ascension dévastatrice du tout premier Barça de Pep, on nous a jeté au visage une vision du jeu qui remettait toutes les autres en question, presque du jour au lendemain. Face aux conneries qu’on pouvait lire et écouter sur le jeu barcelonais – et surtout sur les autres – j’ai essayé de faire le tri et je me suis mis à étudier le jeu, ses schémas, ses mouvements. La différence entre le traitement de la presse française – Visca Barça, jetez le reste à la poubelle – et celui de la presse italienne était très révélateur, d’ailleurs, même si paradoxalement c’est le football italien qui s’est ensuite le plus nourri de l’influence espagnole.

 

Tu parles de Laurent Blanc, avec du recul, comment tu interprètes son 3-5-2  ? Je pense que le 3-5-2 a réussi sa mission, qui était de renforcer la défense parisienne face à la vitesse d’Aguero et De Bruyne. Le vrai problème, c’était que c’était la mauvaise mission. Le PSG avait besoin de marquer à l’extérieur, d’accélérer dès la première minute, de mettre une grosse pression dans la surface de Hart et de faire trembler l’Etihad. Finalement, Paris a joué ce match comme un match aller : après 45 minutes de gestion défensive de la possession, il y avait encore 0-0, City avait accumulé de la confiance derrière et le 4-3-3 était composé d’une majorité de joueurs « replacés ». C’était trop tard pour jouer avec des certitudes et faire douter Pellegrini. C’est dommage parce qu’en demi Paris avait les armes pour faire chialer le Bernabéu.

 

« Les médias français enverront des spécialistes décortiquer les méthodes Jardim quand il gagnera la Premier League »

 

On se plaint souvent du niveau technique de la Ligue 1, mais globalement le niveau tactique est assez faible. 

 

L’analyse tactique en France traverse une période un peu étrange : en quelques années elle est passée d’une situation précaire – un sujet tabou, quasiment – à une couverture omniprésente, presque commerciale. Tout le monde en parle, mais pas pour les bonnes raisons, c’est parfois traité de manière forcée, presque parce qu’il faut en parler. Je suis convaincu qu’on fait une erreur quand on traite la tactique dans une rubrique spécialisée, comme un sujet « à part ».  Je pense que la tactique ne représente qu’une seule partie du grand tableau du football, mais ce n’est pas un coin du tableau. Il faudrait plutôt l’imaginer telle une sorte de lumière qui saurait éclairer les couleurs et faire comprendre le sens de l’œuvre globale. Il faudrait la voir partout mais à petite dose, savoir l’intégrer dans notre discours footballistique comme les Italiens savent très bien le faire. Mais il faudra attendre un peu en France. Parce que ce qui est intéressant, ce n’est pas la tactique en soi, c’est la compréhension du jeu. Et c’est ça qui m’a poussé à m’y intéresser. C’est beau de parler des exploits individuels de Maradona au Mexique en 86, mais pour comprendre il faut étudier Bilardo, son 3-5-1-1, la tension avec la presse argentine, les limites de son milieu, l’élégance de Jorge Valdano et la volonté de mettre le ballon dans les pieds de Diego le plus aisément possible.

 

 

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Tu parles de l’analyse tactique en France, ne penses tu pas que notre pays a un retard tactique sur ses voisins européens ? Je pense surtout à la manière dont on a traité Ranieri, Ancelotti, Bielsa et même Jardim aujourd’hui… 

 

 

Oh non, ne me parle pas du traitement médiatique qu’a reçu Monsieur Bielsa… Je dis « Monsieur » parce que j’essaye de me mettre au niveau de son respect. Quel homme, quel niveau de dignité, quelle élégance… Cette occasion manquée, c’est un drame. Et ce n’est pas la première fois que le football français perd une occasion de grandir. On aime se plaindre de nos résultats européens et du spectacle local mais on ne peut s’en vouloir qu’à nous-mêmes. Je suis persuadé que le passage de Bielsa à Bilbao a transmis plus d’idées au foot espagnol que son passage à Marseille a donné au foot français, et ça ce n’est pas de la faute de sa glacière ou de son jogging : le foot français n’a pas su l’écouter. Et ce n’est pas le seul. Ancelotti a été critiqué lamentablement pour des bêtises. Le jour où Jardim sera champion d’Europe ou gagnera la Premier League, on enverra des envoyés spéciaux pour décrire ses « méthodes extraordinaires » alors qu’on se plaint de ses 1-0 quand il est sous nos yeux.

 « Manchester City passe en demi avec Aguero plus transparent qu’Ibra »

Pourquoi ce retard ? Je n’ai pas la prétention de pouvoir te répondre. Je n’ai ni les connaissances ni l’expérience. Je regarde et j’écris beaucoup de foot, mais je ne suis pas entraîneur, je parle avec une posture d’observateur, pas de savant ou d’expert. Et c’est dangereux de faire des généralités et de parler de « football français » dans son ensemble : j’ai toujours l’espoir de me dire que ce traitement médiatique dont on parle comme s’il était une « forme humaine définie » n’est que le résultat de quelques mauvais articles publiés dans de grandes rédactions et qu’ils ne représentent absolument pas l’ensemble du foot français. Il faut plutôt oublier les éditos catastrophiques et mettre en lumière le super boulot de certains journalistes spécialisés, qui produisent des analyses précises, objectives, documentées, intelligentes, comme Florent Tonuitti, les Dé-Manager et un tas d’autres. Après, quand t’entends à la télé des anciens joueurs pro dire que « Zlatan n’a pas envie de courir », « Verratti se repose sur son talent », « Thiago Motta ne fait rien » ou « Ribéry est trop individualiste »… Bon. Oui, vu qu’il y a un manque d’analyse des mouvements collectifs, donc on s’attarde sur les individualités. T’as sans doute remarqué qu’après chaque élimination du PSG en C1, on préfère tout mettre sur le dos des soi-disant mauvaises performances d’Ibrahimovic ou Di María plutôt que de remettre en cause l’approche collective ou tactique du staff parisien, c’est triste. En face Manchester City passe en demi avec un Aguero plus transparent qu’Ibra.

D’autre part, je trouve personnellement qu’on ne prend pas suffisamment la peine de raconter le jeu et ses mouvements. En lisant la presse et en écoutant la radio t’as souvent l’impression qu’en France le journaliste sportif adopte naturellement une posture de maître d’école. Il essaye d’expliquer au lieu de raconter, alors qu’il est très rarement armé d’une expertise suffisante pour se permettre d’expliquer. Tu m’étonnes que les meilleurs joueurs Français partent rapidement à l’étranger, que d’autres refusent de parler à la presse française et qu’il y ait si souvent des malaises autour des Bleus. En dehors du traitement de l’information, j’ai envie de croire que le rôle du journaliste sportif devrait plutôt être celui d’un conteur : savoir mettre des mots sur tous ces mouvements individuels et collectifs, décortiquer un flux d’actions sportives avec des formules littéraires, faciliter la compréhension du lecteur, le transporter dans l’action, et puis le faire voyager au-delà de la performance physique pour donner du sens à tous ces muscles qui courent après un ballon. Aujourd’hui j’ai plutôt l’impression qu’on suit les conclusions des résultats comme des moutons, et basta. Quand tu lis la prose de certains journalistes et écrivains italiens ou argentins, t’as envie d’aller réveiller Victor Hugo, Proust ou Romain Gary, les mettre devant quelques vidéos de roulettes de Zizou, accélérations de Djorkaeff et slaloms de Ribéry, et leur demander d’écrire ce qu’ils voient.

 

 

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« Avoir Griezmann en sélection c’est un luxe »

 

 

Le retard français en termes d’analyse tactique ne vient-il pas du fait que nous sommes l’un des derniers pays « important » du foot à privilégier le résultat à la manière ?

 

 

 Mais qui aujourd’hui privilégie la manière au résultat ? Regarde l’Espagne qui s’autoproclame « terre du beau jeu » : il y a un mois, ce Barça était un candidat au titre de meilleure équipe de l’histoire, et après quatre défaites les médias espagnols parlent de crise et remettent en question le travail de Luis Enrique. Il me semble que les résultats dictent les analyses de tous les pays, en football, en politique, en économie, dans les arts. Tu pense qu’un politicien qui ferait augmenter le chômage avec la manière serait réélu ? C’est partout pareil. En Argentine l’enjeu dépasse largement le jeu, et ce weekend les Argentins ont connu l’une des plus tristes journées de l’histoire de leur football avec cette série de Clásicos morts à 0-0, parce que tout le monde a préféré ne pas essayer de gagner plutôt que de prendre le risque de perdre (Week-end du 23-24 Avril, ndlr). En Italie, une grande partie des médias aurait certainement viré Allegri en octobre. Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas parce qu’il y a un défaut d’analyse en France que ce qui se fait chez nos voisins est bien plus avancé… Ce combat entre le résultat et la manière, Bilardo et Menotti, Simeone et Guardiola, Mourinho et Bielsa, j’adore ça au point de pouvoir en parler pendant des heures, mais ce ne sont que des discours. Tout le monde déteste perdre, tout le monde aime gagner, et tout le monde aime gagner avec style. L’enjeu qui se cache derrière tous ces grands mots, c’est de développer une vraie culture du travail. Reconnaître le travail même quand le résultat n’est pas à la clé, ça c’est le plus important. Savoir saluer le boulot de Paco Jémez au Rayo, même quand il prend un 10-0 au Bernabéu, ça c’est important. L’Athletic Bilbao de Bielsa n’a pas gagné un seul titre, mais peu d’équipes ont accompli autant sur la dernière décennie. Il faut le reconnaître. Pareil avec la Fiorentina de Montella, son 3-5-2 élastique, son Borja Valero et son Pizarro. Si Higuain avait marqué son pénalty et que le Chili s’était incliné face à l’Argentine en finale de Copa América en juillet dernier, ça n’aurait rien enlevé à l’immense boulot de Sampaoli et il aurait fallu le reconnaître. Le point commun de ces formations ? Le travail. Le foot a ses mystères et il faut savoir les apprécier, mais dans le foot comme partout ailleurs, ceux qui travaillent plus et surtout plus intelligemment sont ceux qui accomplissent le plus de choses.

 

 

En parlant de gagne à tout prix, comment sens tu l’Euro avec Deschamps ? Son 4-3-3, l’absence de Benzema, le rôle de leader que devrait prendre Griezmann. 

 

 

Je le sens bien ! Griezmann a naturellement endossé ce rôle parce qu’il apporte à la fois de la fluidité entre les lignes et de la verticalité, de la possession et du danger, contrôle et vitesse. Benzema a les mêmes caractéristiques mais dans un corps de numéro 9, moins mobile et avec l’obligation de marquer. C’est un luxe d’avoir ce Griezmann pour une sélection qui a si peu de temps pour se préparer, son sens du jeu rend tout le monde meilleur et il défend comme s’il était encore un jeune qui devait gagner sa place. Maintenant comme tout le monde j’attends de savoir si Ben Arfa fera partie de l’aventure. Je suis aussi très heureux du retour de Lass, qui apporte l’expérience et l’assurance qui manquait à ce milieu. Lass, t’as clairement envie de partir à la conquête de l’Europe avec lui. Une limite reste l’utilisation de Pogba, qui semble trop important pour l’équilibre défensif (dans l’esprit de Deschamps) pour pouvoir peser offensivement. Mais cela va peut-être se régler lors de la compétition, il n’en est pas loin. Et puis la limite incorrigible reste l’apport offensif des latéraux, qui pourrait s’avérer insuffisant : Sagna et Evra réalisent encore deux grosses saisons défensivement, et ils méritent vraiment leur place, mais ils n’ont pas de projection et c’est handicapant d’aligner deux latéraux si conservateurs  en même temps, un peu comme City cette saison en C1. Pouvoir compter sur les assauts offensifs d’un Kurzawa, ce serait intéressant. Enfin, il y a de nombreuses inconnues autour de la charnière centrale du fait des blessures et de leur temps de jeu, mais il faut rappeler que la solidité défensive des Bleus dépendra surtout du travail défensif des milieux et attaquants. Avec des joueurs aussi intéressants sur phase défensive, comme Lass, Pogba, Matuidi, Griezmann ou Kante, je ne pense pas que nos adversaires nous voient comme une proie vulnérable.

 

 

 

— Deuxième partie de l’entretien — 

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Tu as parlé de l’influence espagnole sur le jeu italien, mais l’Italie a énormément influencé le football mondial, que ce soit par le catenaccio, Arrigo Sacchi et la vague d’entraîneur de très haut niveau qui ont succédé. Est ce que ce ne sont pas eux les pionniers du domaine ? 

 

Quand je dis que le football italien s’est le plus nourri de l’influence espagnole, c’est relatif, je veux dire que l’Italie a su recevoir certains enseignements des succès espagnols depuis 2008, alors que la France a admiré le Barça sans vraiment essayer de s’en inspirer. Et c’est dingue de parler de cette influence en Italie, parce que l’Italie aurait justement dû devenir le bastion du football direct et de la contre-attaque ! Une sorte de dernier rempart face à tous ces « Croisés » de la possession de balle, à l’image de l’Inter de 2010. D’autant plus qu’en 2008, la sélection de Donadoni n’avait perdu qu’aux tirs aux buts contre l’Espagne d’Aragones, alors qu’Ambrosini était titulaire dans cette équipe… Mais finalement, comme tout le monde, les Italiens aussi se sont mis à regarder de manière inquiète leur possession de balle comme un type qui se croit malade parce qu’il ne mange pas assez de légumes.

Dans leur analyse et leur discours footballistique, les Italiens sont des pionniers parce qu’ils ont intégré depuis des décennies deux piliers essentiels de ce jeu magnifique : d’une, ce n’est pas toujours la meilleure équipe qui gagne à la fin, et de deux, l’équipe la plus organisée s’incline très rarement. Du coup, dans les médias italiens on parle de schémas, systèmes et positionnements tactiques, alors qu’en France le discours se situe plutôt au niveau de « l’analyse » de l’envie et de la motivation des joueurs, ce qui est forcément un point de départ limité pour construire une analyse intéressante.

 

 

Quel est ton ressenti sur l’abondance de tacticien qu’il y aura l’année prochaine en Premier League. Les arrivées de Conte, Mourinho, Guardiola avec la présence de Wenger, Klopp, Ranieri, Pochettino et Benitez vont-elles donner une dimension tactique nouvelle pour un championnat qui en manque souvent ?

 

 La Premier League aura certainement plus d’intérêt parce qu’elle sera portée par le style de ces personnages, mais je ne suis pas sûr que ça donne une nouvelle dimension tactique. Evidemment, on va tous scruter le mouvement du nouveau Chelsea de Conte, la sophistication du jeu de City et les transitions de Liverpool, mais la nature de ce championnat est faite de telle manière que c’est compliqué de changer. D’une part, ce style de football très rythmé, trop rythmé même, un peu foufou, est largement implanté et représente d’ailleurs une source du « succès télévisuel » de la ligue. Pour faire une comparaison casse-gueule, c’est un peu comme sur FIFA, si t’essayes de mettre en place un jeu de possession très élaboré, même avec toute la volonté du monde, t’as l’impression de jouer contre-nature. D’autre part, tous les entraîneurs qui viennent en Angleterre se mettent à vivre le football différemment. Ils le disent tous, de Mourinho à Mancini en passant par Pellegrini : la pression du résultat n’est pas la même qu’en Espagne ou en Italie parce que les clubs sont financièrement bien plus confortables qu’en Liga ou en Serie A. Arsenal peut se permettre de ne jamais gagner de titre, Liverpool peut se permettre de finir septième et de ne pas jouer la Ligue des Champions, et ce n’est pas un drame. En Italie, l’Inter et le Milan dépendent des sous de la Ligue des Champions, en Espagne le Real et le Barça sont en crise s’ils finissent deuxièmes, en Allemagne le Bayern est interdit de ne pas remporter la Bundesliga. En Angleterre ils ne travaillent pas avec la même pression, et cela semble donc d’autant plus difficile de mener son groupe vers des succès exceptionnels, on l’a bien vu avec Mourinho à Chelsea cette année. D’ailleurs on le voit sur les résultats européens des clubs Anglais, on croirait qu’ils n’ont plus les mêmes standards que leurs voisins. Cela dit, avec des spécimens aussi ambitieux que Pep, Mou et Conte, c’est le meilleur moment pour changer.

 

 

Quels sont pour toi aujourd’hui les tacticiens hors pair dans le monde du foot ?

 

 Sur les cinq dernières années, je dis Diego Simeone parce que c’est une réussite unique. Quand il arrive à Madrid en décembre 2011, à la veille de Noël, l’Atlético entraîné par Manzano est aussi loin de devenir un champion d’Europe que l’OM de Míchel en décembre dernier, pour situer… Aguero, De Gea et Forlán avaient été vendus, Miranda avait failli sauter de l’effectif par manque de place pour les extracommunautaires, Koke n’existait pas, sauf pour ceux qui regardaient les U20 Espagnols. Et Falcao se faisait siffler par le Calderón. Juanfran avait arraché un nul à la dernière minute au stade de la Route de Lorient en Ligue Europa, pour te dire. Tous ces joueurs, et il doit y en avoir des dizaines, le Cholo les a tous fabriqués avec ses mains. Il a tous les mérites : un formateur qui fait progresser ses joueurs, un motivateur que les joueurs adorent, un recruteur qui fait peu d’erreurs, un tacticien qui remporte toutes ses confrontations directes, et enfin un visionnaire parce qu’il a une réelle vision cohérente du jeu. Mais il n’y a pas que lui, il faut aussi reconnaître qu’il a su bien s’entourer, avec le Mono Burgos, le Profe Ortega, et les autres. Et puis le jeu qu’ils produisent est extraordinaire. Ça respire le cerveau autant que les couilles, à la fois la boxe et les échecs.

Mais c’est loin d’être le seul. Pour tout ce qu’il inspire, je dois aussi citer Bielsa. Ca dépasse même le football. Une telle noblesse, une telle culture du travail, cette obsession de la justice, une telle constance dans la réflexion, et puis une telle élégance dans son expression. Bielsa, il est unique dans ce football de 2016. Il nous rend tous meilleurs. Et je dois aussi mentionner l’immense José Mourinho, même si c’est très différent. J’ai énormément de mal à mettre des mots sur ce qu’il est, ce qu’il représente, ce qu’il a accompli. Je ne pense pas avoir les informations et la capacité d’analyse pour analyser avec certitude sa carrière jusque-là. Je n’arrive pas encore à cerner, j’ai trop peur de me tromper, il peut encore nous surprendre. Il est presque trop grand. Ce Porto sur le toit du monde, l’épopée de l’Inter, ses années de combat face au Barça de Pep… Je trouve qu’on est injustes avec son bilan au Real Madrid. Je parlais tout à l’heure de l’importance de la reconnaissance du travail et ce peu importe le résultat final. Si tu regardes le dénouement de ses deux demi-finales de C1 en 2011 et 2012, entre l’expulsion de Pepe contre le Barça et les tirs aux buts manqués par Cristiano, Kaka et Ramos contre le Bayern, ça te fait réfléchir. Il n’est pas passé loin de remporter deux C1 de plus. Et le sens du travail d’Ancelotti nous l’a confirmé par la suite.

 

 

« Zidane ressemble au Leonardo 2011 avec l’Inter »

 

Dans tous les entraîneurs que tu me cites, il n’y a pas un seul coach français. Est ce que la formation des entraîneurs n’est pas bonne en France ? 

 

La France peut être fière des Wenger, Deschamps, Garcia, Puel, Denoueix, non ? Ce que fait Galtier à Saint-Etienne, c’est stable, cohérent et construit sur la durée, aussi. Je ne peux pas me prononcer sur la qualité des formations des entraîneurs en France, je ne les ai pas suivies. Et puis surtout, je ne pense pas que ce soit vraiment les structures qui fassent la différence à ce niveau-là, il me paraît clair que ce sont plutôt les individus. Là on parle de Simeone, Mourinho, Guardiola, ce sont des phénomènes uniques dont les succès dépassent largement la formation ou le passeport. Si Mourinho était Français, le niveau du football français ne serait pas plus élevé pour autant. La preuve, l’immense Helenio Herrera avait suivi une formation française. Il me semble que le succès des entraîneurs n’est pas vraiment une conséquence directe de leur formation. Si tu regardes « l’école » argentine, ils ont presque tous des mentors différents et des méthodes différentes. Chaque grand entraîneur suit une trajectoire unique, une sorte de parcours initiatique. C’est aussi vrai en Espagne, où les chemins empruntés par Guardiola, Emery ou Benitez n’ont rien à voir. En revanche, leur point commun, c’est cette obsession perfectionniste, cet esprit de compétition insurmontable qui les fait voyager à la recherche de leur jeu. Guardiola est parti au Mexique, Wenger au Japon, Emery en Russie, Simeone a connu la lutte pour le maintien en Argentine et en Italie avec Catane. Ce sont des hommes marqués par de fortes expériences dans des contextes difficiles, et je suis convaincu que ça les aide au quotidien. Leur métier, ce n’est pas de dessiner un schéma sur un tableau noir en se basant sur les théories de leur formation.

 

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On n’a pas parlé de Zidane, comment ressens-tu son style ? 

 

Cela fait à peine quatre mois qu’il a commencé, c’est bien trop tôt. Mais avec son aura, on a toujours envie de croire à l’impossible, c’est presque un réflexe. C’est pour ça que Florentino Pérez a pris le risque de confier le destin de ses galactiques dans les mains d’un entraîneur si peu expérimenté, alors que l’Espagne ne manque pas d’expérience en la matière (Valverde, Emery, Marcelino, etc.) Pour exactement les mêmes raisons, beaucoup de monde était convaincu que l’Argentine allait faire quelque chose en 2010 grâce à l’influence de Maradona. Ce sont des mythes, dès qu’ils ouvrent la bouche on imagine que le vestiaire avale leurs paroles. Et c’est un réflexe normal. Mais Guardiola a mis des années pour se former, Simeone a tout connu en Argentine puis à Catane, Luis Enrique a dû faire ses preuves, même Ancelotti a mis du temps avant de se sentir prêt pour une grosse écurie. La différence, c’est que le passé de Zidane ne lui donne pas le luxe de construire son futur : si Zidane entraîne, il faut que ce soit le Real. Mais il arrive dans une maison aux fondations instables. A part Ancelotti durant quelques mois, personne n’a réussi à utiliser ce milieu Kroos-Modric de manière convaincante. Ce qu’on peut observer, c’est que le choix d’installer Casemiro démontre un certain pragmatisme tactique et du caractère : Zizou ne veut pas plaire, il veut gagner. Et c’est ce qui est fascinant avec ce défi d’entraîneur de Zidane : on dirait qu’après avoir touché l’olympe en tant que joueur, il meurt d’envie de se remettre en danger, de prendre des risques, de brûler pour mieux avancer. Et ça peut se comprendre. Quand tu t’appelles Zinédine Zidane et que tu viens de finir ta carrière, tu dois te dire : « p***** mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ? » C’est un défi magnifique et c’est tout à son honneur de remettre son nom en jeu. Pour le moment, je trouve que sa demi-saison ressemble beaucoup à celle de Leonardo à l’Inter en 2011, quand il avait lui aussi repris l’équipe de Benitez. Il a le soutien du vestiaire, les individualités brillent à nouveau, mais l’urgence du résultat empêche de poser des fondations pour l’avenir. Les deux équipes sont fondamentalement déséquilibrées mais menées par le même esprit de revanche. La remontée contre Wolfsburg fait penser à celle de l’Inter contre le Bayern. On va voir ce qui va arriver à son Real cette semaine, mais après une remontée extraordinaire en championnat, l’Inter de Leo avait tout perdu en une semaine, en chutant contre Schalke en quart de C1 puis contre le Milan en championnat. L’essentiel, c’est qu’il survive à cette fin de saison et qu’il ait carte blanche pour construire son style la saison prochaine

 

« Ce qu’a fait Sven Goran Eriksson à la Lazio c’est merveilleux. Beaucoup s’inspirent de lui. »

 

 

J‘en reviens à Laurent Blanc, il a une nouvelle fois échoué en quart de finale. Au bout de trois ans, le club n’a pas progressé. Je me souviens que tu avais écris un article sur Gallardo en expliquant que c’était le choix idéal pour le PSG, est ce que tu es toujours de cet avis ? Il ne faut pas oublier que la première saison de Laurent Blanc a fait évoluer le PSG de manière intéressante, avec la mise en place de ce 4-3-3, le fonctionnement du triangle Verratti-Motta-Matuidi, les automatismes entre Ibra et Matuidi, et cette volonté de créer une identité à partir du ballon, au moins jusqu’au quart contre Chelsea. Mais l’évolution s’est arrêtée à ce moment-là, qui sait s’il saura ou s’il aura le temps de lui redonner du souffle. Gallardo, j’avais suggéré et défendu sa candidature pour quatre motifs : l’accord avec identité du projet, sa passion, sa vision du jeu et enfin son intelligence. D’une, c’est un ancien joueur de Ligue 1 et du PSG, ce qui facilite la création d’une identité autour de ce projet qui en a tant besoin. De deux, pour l’avoir vu travailler de près à Buenos Aires en 2014/15, c’est un travailleur passionné dont l’obsession rappelle celle des plus grands : Simeone, Guardiola, Mourinho, Bielsa… Il aime le jeu et sait transmettre son ambition, et ça me paraît essentiel pour que le PSG parvienne à se surpasser lors des grandes soirées européennes. De trois, il vient de connaître deux expériences à forte pression au Nacional et à River, il a su développer du jeu et insister avec une identité précise dans des conditions compliquées, il a fait face à des crises et il est prêt pour l’Europe. De quatre, enfin, c’est un homme intelligent. Mais ça n’est pas le seul. Jorge Sampaoli, José Mourinho ou même Leonardo, ça fait rêver. Tout dépend du prochain projet sportif parisien, si le club souhaite un projet d’un an, trois ans, cinq ans… Officiellement, le club ne cherche pas de nouvel entraîneur.

 

 

Dernière question, entre le 4-4-2 de Sacchi, et le 4-3-3 (3-4-3 surtout) de Cruijff, tu votes pour qui ? 

 

Aucun des deux. S’il faut choisir un 4-4-2 de l’Italie des années 90, je dirais celui de la Lazio de Sven-Goran Eriksson. Parce que j’étais trop jeune pour Sacchi, d’une part, par esprit de contradiction, clairement aussi, parce qu’Eriksson est Suédois (je suis franco-suédois) et parce qu’un milieu qui peut compter sur Nedved, Verón, Simeone, Stankovic, Sergio Conceição, Almeyda et la fantaisie de Mancini, c’est exceptionnel. Sans parler de Nesta, Mihajlovic, Salas… On en parle peu, mais un grand nombre de joueurs d’Eriksson sont devenus de brillants entraîneurs et ils parlent toujours de ce qu’ils ont appris de lui. C’est un peu un gourou de « l’autre modèle », de la non nécessité de la possession de balle.

 

 

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Modifié par Charlie

 

 

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On a discuté de la philosophie Cruyff avec un expert tactique

 

 

On a discuté avec Christophe Kuchly, journaliste pour les Cahiers du football et co-auteur de Comment regarder un match de foot mais surtout amoureux du beau jeu, fin analyste tactique et grand admirateur de Johan Cruyff.

 
Tout d’abord, qu’est-ce que t’évoque personnellement Johan Cruyff ?
 
Personnellement je suis jeune donc je ne l’ai pas connu comme joueur ni comme entraîneur. Quand j’ai commencé à suivre le foot il n’entraînait déjà plus mais dès le départ j’étais attiré par le football barcelonais, la manière de pratiquer le jeu. Forcément quand tu remontes le fil, si tu pars de Guardiola, tu arrives à Cruyff en tant qu’entraîneur puis en tant que joueur. A posteriori tu regardes ce qu’il a fait, ce qu’il a dit et tu te rends compte que même si c’était un très bon joueur, ce n’est peut-être pas le meilleur de tous les temps. Mais c’est le seul qui a réussi à être à la fois un grand joueur, un grand coach et un grand penseur du ballon. Même quand il n’était plus coach, il a réussi à transmettre quelque chose, à avoir des disciples et à continuer d’être regardé comme une figure tutélaire. C’est quelqu’un qui représente un certain courant de pensée dans le foot et une certaine manière de jouer qui est dominante aujourd’hui.
Donc pour moi, c’est la personne la plus marquante de l’histoire du foot parce qu’il a brillé dans tous les domaines. Même s’il était moins en réussite dans sa carrière de dirigeant, de conseiller on va dire. Ça reste quelqu’un qui même sans avoir la balle au pied ou assis sur le banc a eu une influence marquante. Même quand il disait des banalités tout le monde l’écoutait, ça reste quelqu’un de mythique qui va rester dans l’histoire. Cruyff ça restera un nom qui parle même pour les gens qui comme moi ne l’ont jamais vu en direct et l’ont découvert après-coup.
 
« Tous les joueurs de l’époque disent que c’était comme un deuxième coach. »
Lequel du joueur ou de l’entraîneur t’a le plus marqué ?
 
Ça va être une réponse un peu bizarre mais j’ai envie de retenir le joueur-entraîneur qu’il était. En gros le football total c’est Rinus Michels, son coach de l’Ajax, mais c’est lui aussi. Ils ont plus ou moins collaboré pour mettre ça en place dans le sens où Michels avait une idée et c’est Cruyff qui était son relais sur le terrain et pour le coup, il était beaucoup plus qu’un capitaine. C’était vraiment lui qui organisait toute la manoeuvre et qui a permis à une philosophie de prendre forme. Donc j’ai envie de te dire le joueur qu’il était à l’époque où il jouait l’Ajax. Pas au tout début mais sous Michels c’était vraiment un joueur-entraîneur et pour moi c’est cette période la plus marquante, quand l’Ajax fait le triplé de Coupe d’Europe.
 
Ensuite à Barcelone c’est pas trop mal mais il ne gagne quasiment rien. Parce qu’il est trop au-dessus du lot dans une Liga qui est encore assez barbare et le Barca de l’époque n’est pas très très fort non plus donc il est un peu tout seul en star. C’est pareil quand il va aux États-Unis, il est beaucoup trop fort pour le reste de l’équipe. Mais à sa meilleure période de l’Ajax quand il commande le jeu sur le terrain, qu’il dirige la manoeuvre, il fait ce que fait un coach. Tous les joueurs de l’époque disent que c’était comme un deuxième coach, ils savaient que le mec allait devenir un bon entraîneur. Pour moi, c’est là qu’il est le meilleur. Au Barca c’est un bon coach mais il a aussi connu quelques revers et je crois qu’il gagne deux titres sur des échecs du Real à la dernière journée, alors que le Real était devant. Donc c’était une bonne équipe mais le palmarès est limite flatteur en comparaison de ce qu’était l’équipe. Tandis qu’il était un joueur dominant à la fois par le jeu mais également par son intelligence de jeu.
 
D’ailleurs en fin analyste tactique, tu peux nous en dire un peu plus à propos de sa philosophie et de sa contribution au football d’aujourd’hui ?
 
Entraîneur c’est un peu la continuité de son parcours de joueur puisqu’à la fin des années 80 et au début des années 90 à sa grande période du Barca, il y a eu une petite césure avec sa carrière de joueur. Personne n’a vraiment suivi le modèle de l’Ajax tandis qu’actuellement tout le monde veut copier Barcelone. À l’époque, tout le monde ne pouvait et ne voulait pas forcément copier l’Ajax, même s’il y a eu le Dynamo Kiev au moment où Cruyff devient entraîneur. Mais ça n’a pas forcément fait école. Quand il devient coach, il essaie de reprendre le football total là où il l’avait laissé en tant que joueur en essayant de l’adapter au foot moderne. Son truc, c’était de mettre les meilleurs joueurs dans les bonnes dispositions.
 
C’est là sa grande opposition à Van Gaal, qui met le système au dessus de tout. C’est à dire que s’il joue en 4-3-3, il veut que tous les joueurs se plient à sa volonté. Par exemple, s’il dit que l’ailier droit doit faire le piston tout le match et faire tous les efforts défensifs, peu importe que ce soit un mec comme Dirk Kuyt qui en est capable, ou Cristiano Ronaldo qui ne veut pas le faire : il va lui dire de respecter sa consigne tout le match. L’objectif de Cruyff, c’était de mettre la balle dans les 25-30 derniers mètres adverses et ensuite les Romario, Stoichkov, Laudrup font leur truc. Il s’en foutait complètement qu’un Stoichkov tente tout le temps des dribbles, des frappes bizarres et des passes risquées. Quitte à perdre la balle, il se disait qu’il avait des joueurs de talent qui pouvaient faire la différence à tout moment.
 
 
 
Thierry Henry a dit que c’était un peu ce que leur demandait Guardiola au Barca. Le but c’est d’avoir la balle pour l’amener dans les 30 derniers mètres adverses et ensuite les Messi et autres se démerdent pour faire la différence. C’est ce qu’on voit aussi avec le Barca actuel où en gros, le plus dur, c’est d’arriver dans la zone de vérité adverse. Ensuite les mecs sont tellement forts qu’ils vont pouvoir marquer.
 
« En gros si on fait tourner et qu’on est plus fort techniquement que l’adversaire, il peut faire ce qu’il veut, il ne va pas marquer de but. »
L’objectif de Cruyff c’était de mettre les joueurs offensifs dans les meilleures dispositions et son autre truc c’est la possession. Dans notre livre, Christian Gourcuff dit que Guardiola anoblit la possession. C’est vrai mais c’est Cruyff qui en a fait quelque chose d’essentiel dès le départ. Il a toute une liste de phrases où il dit que quand tu as le ballon, tu ne prends pas de but, etc.
 
C’est le premier à considérer la possession comme une arme offensive pour contrôler le tempo du match, mais aussi comme manière de défendre. En gros si on fait tourner et qu’on est plus fort techniquement que l’adversaire, il peut faire ce qu’il veut, il ne va pas marquer de but. Donc ça c’est quelque chose qui dévie du football total dans la mesure où même si le jeu est tourné vers l’offensif, c’est un peu plus conservateur. Il n’hésitait pas à retirer les défenseurs pour jouer avec plus d’attaquants. C’est aussi plus conservateur dans la mesure où les postes sont plus définis et les joueurs ont des rôles très spécifiques alors que quand Cruyff jouait, il était attaquant de couloir mais on pouvait le voir redescendre pour donner un coup de main à la défense centrale. C’est un truc que tu voyais beaucoup moins dans le Barca de Cruyff.
 
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C’est aussi lui qui a instauré le milieu récupérateur. Il avait Guardiola dans ce rôle, capable d’organiser le jeu. Pour caricaturer un peu, ce n’était pas un destructeur comme Makélélé l’a été plus tard. C’est le mec qui peut donner le tempo tout en étant à un poste où tu es censé protéger la défense. Là c’est l’ancêtre de Busquets, c’est pour ça que Guardiola joue toujours aujourd’hui avec un récupérateur capable d’organiser le jeu comme Busquets ou Xabi Alonso. C’est parce que lui était comme ça. C’est ce milieu récupérateur qui était le joueur le plus intelligent tactiquement de l’équipe, celui qui donne le rythme du match.
 
Au-delà de Pep Guardiola qui est souvent considéré comme son digne successeur, d’autres coaches te semblent actuellement s’inspirer de sa philosophie ?
 
C’est difficile de dire que des mecs font pareil. Vu la temporalité, on a tendance à penser qu’ils s’inspirent plus de Guardiola que de Cruyff dans le mesure où au Barca, on a appliqué cette philosophie à tous les étages. Mais derrière, ça n’a pas fait école après Cruyff comme ça le fait avec Guardiola. C’est surtout les succès de Guardiola qui popularise cela. L’idée de Cruyff c’est de faire la même chose de la formation aux professionnels. À 13 ans chez les petits du Barca, même si c’est plus brut, tu vois toujours le mec devant la défense, c’est un meneur de jeu reculé. Ça a été un peu copié çà et là mais parfois c’est une question d’opportunité. Comme Pirlo qui joue plus bas, c’est juste qu’Ancelotti avait besoin de cela mais ce n’est pas nécessairement copié sur Cruyff.
 
« Il sait ce que c’est que d’être plus fort que les autres et d’avoir un coach qui joue pour que l’équipe vous fasse briller. »
Après on peut dire qu’à chaque fois qu’on copie le Barca quelque part on copie Cruyff. Même si chaque entraîneur s’adapte, apporte sa touche. Luis Enrique joue plus direct que Guardiola mais tu as quand même une idée de jeu au sol, de maîtrise de la possession défensive et d’aller vers l’avant pour mettre plus de buts et offrir du spectacle. Ça a pas mal infusé au Pays-Bas sur la sélection nationale où on préfère presque perdre en jouant bien que gagner en jouant mal. On va dire que c’est une philosophie générale, ce n’est pas forcément dans le rôle des joueurs. C’est plus dans une certaine envie de pratiquer le foot.
 
D’accord, donc ça va au-delà du système tactique brut ?
 
Oui parce que si Cruyff jouait actuellement de la même manière qu’à l’époque, c’est possible qu’il se prenne une branlée tous les week-ends. Parce que ce ne serait pas faisable. Si tu enlèves les Romario et compagnie, je ne suis pas sûr que ça marche et qu’il aurait jouer de la même manière non plus. Il s’adaptait à son effectif. Lui c’était un joueur de talent, supérieur aux autres. Il sait ce que c’est que d’être plus fort que les autres et d’avoir un coach qui joue pour que l’équipe vous fasse briller. Du coup il faisait pareil, il se disait « j’ai des mecs plus doués que les autres, je sais ce que c’est donc je vais faire en sorte qu’ils s’amusent sur le terrain ».
 
Chose que Van Gaal ne fait pas. Quand il était joueur et qu’il jouait contre Cruyff, je crois qu’il était milieu défensif, mais c’était un joueur… c’était un Jacques Abardonado quoi, c’était personne à l’échelle du championnat. Tandis que Cruyff, il fait bien jouer ses joueurs mais il n’est pas dans un 4-3-3 à tout prix. Il est plus vers l’avant à tout prix. C’est pour ça qu’il était plus pour l’Espagne que pour les Pays-Bas destructeurs en 2010. Alors qu’il y avait certains trucs en Espagne comme le faux numéro 9 qui n’avaient rien à voir avec ce que lui faisait lorsqu’il était coach.
 
Tu penses que dans 10, 20, 30 ans il sera toujours une référence du football total ?
 
Il y a un truc que Guardiola n’aura jamais, c’est le talent de joueur à ce point là. Parce qu’il était un très bon joueur mais plus reculé. Cruyff ça parle aux gens de la génération qui l’a vu jouer et cette même génération ou celle juste après a aussi vu jouer Guardiola. Pourtant il ne parle pas particulièrement aux foules plus que d’autres joueurs de cette équipe barcelonaise.
 
L’accomplissement, Guardiola l’aura en tant qu’entraîneur mais en tant que joueur il n’aura pas marqué une génération. Ça restera un bon joueur mais si tu ne suivais pas le foot espagnol à l’époque, qui n’était d’ailleurs pas trop diffusé, ça ne te parle pas forcément alors que Cruyff ça va au-delà de son parcours en club. La Coupe du Monde 74 a fait de lui une idole. Et avec son look en plus, forcément c’est un nom qui va rester. Il y a des gens de notre génération qui lui rendent hommage, qui l’admirent mais qui n’ont peut-être vu que 2 minutes de compilation Youtube. On leur en a dit tellement, c’est tellement mythique que ça parait évident que c’était un mec au-dessus du lot en tant que joueur même s’ils ne connaissent pas forcément sa carrière de coach.
 
Ça reste aussi une personnalité médiatique. Ça fait 15-20 ans qu’il ne fait plus rien à part donner son avis et donner des conseils à droite à gauche mais il avait une rubrique toutes les semaines dans un journal néerlandais. Il était consultant, c’était une voix très forte. Alors que Guardiola c’est un grand passionné mais ça reste un coach. Ses innovations restent des innovations de coach, il faut vraiment être dans le métier ou très fan pour apprécier quand Guardiola joue en 2-3-5 en phase offensive par exemple. C’est une certaine manière de voir le foot qui fait plus école maintenant puisqu’on est beaucoup plus sur l’aspect tactique. Aujourd’hui, tous les coaches ont une philosophie, un projet de jeu, beaucoup plus qu’à l’époque. Surtout dans les années 70 où on comptait sur les meilleurs joueurs pour faire le boulot. Maintenant t’es obligé d’avoir un entraîneur fort avec une vraie philosophie si tu veux réussir.
 
Guardiola reste le coach le plus influent à l’heure actuelle sur la manière dont on joue au foot mais ce n’est pas Cruyff. Comme Maradona, qui était probablement un meilleur joueur mais qui n’a rien fait d’autre en dehors des terrains n’est pas Cruyff. Platini, qui était un très bon dirigeant avec des idées n’est pas Cruyff. Même Pelé qui était encore au-dessus, il n’a rien inspiré c’était juste un mec qui était plus doué sur le terrain alors que Cruyff a couru sur tellement de tableaux, il a fait tellement de trucs dans divers domaines que même ses échecs on les oublie. Sa carrière de joueurs dès 28-29 ans commençait à être très moyenne et même s’il a connu des échecs en tant que coach, il a trop fait donc on oublie ça et on garde l’image iconique du mec qui a fait la Dream Team et qui était énorme avec l’Ajax et les Pays-Bas.
 
« Cruyff était un joueur décisif offensivement mais qui pouvait revenir façon Xavi ou Busquets pour organiser le jeu plus bas. »
D’ailleurs, quel joueur se rapproche le plus du buteur qu’il était ?
 
C’est difficile à dire parce que si on combine tout ce qu’il était ça ferait un joueur mutant qui serait beaucoup plus fort que le reste. Au niveau polyvalence, même si lui c’était plus haut, le seul qui me parait aussi polyvalent à l’heure actuelle c’est Alaba. Il part de la défense pour jouer milieu offensif en sélection alors que Cruyff était un milieu offensif/attaquant qui revenait parfois en défense. Actuellement il n’y a pas d’attaquants qui reviennent aussi bas pour organiser le jeu. Parfois tu as Messi mais c’est encore différent, il n’est pas à la base de la possession sur les 2-3 premières passes. Il jouait plutôt au poste de Messi, avec parfois des gestes à la Messi, mais quand même beaucoup moins fort individuellement. Ses meilleures saisons il marquait 15-20 buts donc il y a quand même un peu de Messi mais il organisait tellement le jeu que c’était aussi un genre de Xavi ou Busquets. Enfin tu réfléchis au joueur le plus intelligent tactiquement que tu vois au milieu de terrain pour organiser la manoeuvre et ça s’en rapproche.
 
 
 
C’est difficile de trouver des équivalences pour tous les joueurs du football total puisque le latéral droit pouvait jouer milieu offensif. Ça permutait tellement qu’avec notre regard d’aujourd’hui ça parait totalement invraisemblable. Et je pense qu’une équipe qui jouerait comme ça maintenant n’aurait pas forcément la caisse pour faire suffisamment de retours défensifs et être performante pendant 90 minutes. Dans l’équipe de l’époque, les mecs étaient surpréparés physiquement, l’Ajax et les Pays-Bas étaient monstrueux, au-dessus dans l’endurance et le physique d’une manière générale. Maintenant ce serait compliqué de courir autant, c’est du foot en mouvement, ça court partout, ça bouge tout le temps.
 
« Cruyff en gros, c’est du football plaisir. »
À l’époque tu avais quand même de belles phases de temps morts et rarement du gros pressing. Tu pouvais limite marcher au milieu de terrain pour poser le ballon, voir ce qu’il se passe et organiser. Cruyff était un joueur décisif offensivement mais qui pouvait revenir façon Xavi ou Busquets pour organiser le jeu plus bas. Ça reste un joueur du football des années 70-80. Depuis Sacchi on ne peut plus faire ça à cette échelle ou alors il faut que les 10 autres joueurs jouent pour te protéger comme le font parfois ceux du Barca avec Messi. Mais c’est le reflet d’une époque difficilement transposable.
 
Laquelle de ses punchlines caractérise le plus l’homme qu’il était ?
 
J’en ai lues tellement que je ne les aies pas toutes en tête mais une qui me fait marrer, c’est quand il dit un truc du genre : « quand tu mènes 4 ou 5-0, c’est plus rigolo de tirer sur les poteaux que de marquer un but parce que ça divertit le public ». Là tu sens que le mec est un peu YOLO, dans une idée d’amusement même s’il veut gagner et qu’il l’a souvent fait, il relativise tout ce qui lui arrive. Il dit même que la défaite en finale de Coupe du Monde 74, ce n’est pas grave parce qu’au moins, ils ont fait plaisir au public. Même si je pense que le mec se ment un peu à lui-même, il est malgré tout dans une idée de spectacle. Cruyff en gros, c’est du football plaisir.
 
« C’est juste un mec qui aime le foot au sens premier du terme. »
Je pense sincèrement que le mec était parfois plus content de faire un bon match et de gagner 1-0 que de gagner 5-0 parce qu’il avait kiffé sur le bord du terrain. Il est quand même là pour se faire plaisir. Quand ça le saoule d’entraîner, il arrête, pareil quand ça le saoule de jouer. Il y a quand même une grosse idée de plaisir et de faire plaisir au gens. Pour lui, le foot est un spectacle. C’est une citation qui est assez peu évoquée, elle n’est pas trop tactique ni dans la philosophie de jeu pur. C’est juste un mec qui aime le foot au sens premier du terme. En tant que spectateur, il veut voir un beau match sinon ça le fait ch*** et il zappe. C’est pareil en tant que joueur ou en tant que coach. S’il voit un match de m**** ça ne l’intéresse pas d’être coach.
 

 

 

 

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Euro 2016 : l’Allemagne et l’art de la relance, par « Les Cahiers du football »

 

 

 

Pauvre en occasions franches, le quart de finale entre l’Allemagne et l’Italie a mis en avant l’importance des défenseurs centraux dans la construction du jeu et dans l’identité d’une équipe.

LE MONDE | 

03.07.2016 à 10h59 • Mis à jour le  04.07.2016 à 08h59 | Par Les Cahiers du Football
 

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Christophe Kuchly et Raphaël Cosmidis, Les Cahiers du Football

 

Et si le mot-clé de cet Euro 2016 était « la relance » ? Depuis le début de la compétition, c’est la capacité à construire proprement depuis l’arrière qui semble distinguer les bonnes équipes des autres. Samedi soir, à Bordeaux, le quart de finale entre l’Allemagne et l’Italie opposait deux formations douées dans ce domaine, fournies en pieds adroits et fidèles à une sortie de balle de qualité. D’où l’impression de maîtrise technique ressentie depuis les tribunes, même les systèmes et styles s’annulent.

Euro 2016 :   L’Allemagne face à sa bête noire, l’Italie devant son Everest

Brillante face à l’Espagne en huitièmes de finale, l’Italie aura été l’une des surprises de l’Euro. Avec les blessures de Marco Verratti et Claudio Marchisio, les deux penseurs du milieu, Antonio Conte avait perdu la technique et la réflexion nécessaires pour pratiquer un jeu plus ambitieux et plus flamboyant. Très vite, le sélectionneur de la Nazionale, qui prendra les rênes de Chelsea dans quelques semaines, s’est adapté à ces absences : il a modifié le style de sa formation, devenu plus direct et plus aérien avec le duo Pellè-Eder, et a confié les responsabilités de création à des hommes pourtant très loin du but adverse : Giorgio Chiellini, Leonardo Bonucci et Andrea Barzagli.

 

Surprenante Italie

 

Partenaires en club, ils ont connu Antonio Conte à la Juventus entre 2011 et 2014. Vu comme un adepte du 4-2-4 avant de prendre la tête de la Vieille Dame, le technicien transalpin a su semontrer flexible quand il a récupéré l’effectif turinois. Plutôt que de mettre un grand défenseur central sur le banc, Conte les a associés et prôné un système de jeu en 3-5-2, dispositif qui a perduré malgré son départ, même si son successeur, Massimiliano Allegri, varie entre une ligne arrière à trois et une à quatre.

En sélection comme à Turin, Leonardo Bonucci, très adroit sur le jeu long, est le relanceur principal de son équipe. L’hécatombe au milieu subie par l’Italie l’a amené à endosser un rôle encore plus essentiel qu’auparavant. Sans Pirlo ou Verratti pour le soulager, sans De Rossi ou Thiago Motta contre l’Allemagne, Bonucci a joué comme un 10 à distance. C’est de lui que sont venues les passes les plus verticales de l’Italie cet été. L’Allemagne l’avait parfaitement identifié. Mario Gomez, l’avant-centre de la Mannschaft, a été aussi important avec le ballon que sans. Au Matmut Atlantique, il a collé Bonucci, l’a forcé à jouer plus souvent sur son pied gauche et s’est attaché à fermer les angles de passes vers Pellè et son jeu de corps dos au but. Sur une des rares séquences où Bonucci a pu respirer et voir l’horizon offensif, il a envoyé Giaccherini dans la profondeur pour une des meilleures occasions italiennes. Comme les buteurs, les passeurs aussi doivent être surveillés de près. Même quand la dénomination de leur poste n’implique que l’aspect de protection de leur but.

 

Côté allemand, on a changé son fusil d’épaule par rapport aux autres rencontres : exit le 4-2-3-1, place au 3-5-2. Une volonté de copier le modèle adverse sans doute un peu motivée par la mauvaise prestation espagnole - autre équipe de possession -, au tour précédent, mais également par le succès de la défense à trois lors d’un match amical face à l’Italie en mars (victoire 4-1). Les ajustements nécessités par ce changement, notamment pour les latéraux Kimmich et Hector, n’ont pas bouleversé le style de jeu allemand. Si Höwedes a été titularisé en défense centrale, prenant numériquement la place de l’ailier Draxler, il n’a pas pesé sur le jeu. Ciblé par les attaques italiennes, il a laissé ses deux compères se charger de l’animation, touchant beaucoup de ballons mais uniquement dans le but de vite leur 

rendre.

 

L’Allemagne, une équipe paradoxale

 

Car ses petits camarades se nomment Mats Hummels et Jérôme Boateng. Deux futurs coéquipiers au Bayern qui partagent un point commun : ce sont des excellents techniciens. Le premier, talent naturel, s’est distingué par une incroyable ouverture en profondeur de l’extérieur du pied et n’a pas hésité à tenter des dribbles dans le dernier tiers de terrain adverse. D’une de ses montées aurait d’ailleurs pu venir le but du 2-0 si Thomas Müller n’était pas maudit dans cet Euro. Le second, phénomène physique métamorphosé depuis que Guardiola l’a pris son aile, enchaîne les transversales parfaites comme il respire, et s’offre parfois quelques montées rageuses. La dernière, peu avant la séance de tirs au but, aurait pu être décisive.

L’Allemagne est une équipe paradoxale. Contrairement à l’Italie, elle a les éléments pour faire le jeu et briller offensivement mais sa fluidité peut aussi la desservir. Puisque tout le monde est capable de donner des bons ballons, on fait parfois tourner à l’infini, jusqu’à se mettre en position de centre (26 dans cette rencontre). Un travers communément appelé « attaque en U », du nom de la forme du bloc offensif, qu’on pourrait renommer « attaque en Ü », Gomez et Müller se chargeant de jouer les « umlaut » à deux dans la surface. Rien à voir avec une équipe italienne forcée d’être directe et dont la défense basse a eu un double effet sur le duo Hummels-Boateng : le forcer à mener le jeu très haut à la place de Toni Kroos, mais aussi l’empêcher de trouver des passes en profondeur.

Cette rencontre, finalement remportée plutôt logiquement par l’Allemagne aux tirs au but, a eu la physionomie attendue. Mais elle sert de confirmation, dont la force sera encore plus grande si l’Allemagne va au bout : un défenseur central moderne n’est pas obligé de savoir tout faire mais, à ce poste particulier où on peut être laborieux et réussirpouvoir organiser le jeu et lancer des attaques permet de sublimer un collectif. Au point de rendre séduisante une équipe italienne qui, sans le talent de Bonucci, aurait peut-être été traitée de froide et cynique.

 

 

http://www.lemonde.fr/euro-2016/article/2016/07/03/euro-2016-l-allemagne-et-l-art-de-la-relance-par-les-cahiers-du-football_4962785_4524739.html

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COMMENT ANTONIO CONTE EST EN TRAIN DE RÉVOLUTIONNER CHELSEA

 

 y a un an de cela, Chelsea s’embourbait dans les bas-fond de Premier League et réalisait sa pire saison depuis la reprise du club par le milliardaire russe Roman Abramovitch. Depuis, le club londonien revit, et la raison de ce changement se nomme Antonio Conte.

Après avoir brillamment ramené la Juventus Turin au sommet de la Serie A et réalisé un très bel Euro avec une Nazionale décimée par les blessures et les méformes individuelles, le technicien italien est en train de réussir son pari : refaire de Stamford Bridge une place forte du football anglais et européen.

Le 4 avril dernier, par le biais de son compte twitter, Chelsea officialise l’arrivée du technicien italien. Choix logique tant il est réputé pour ses missions reconstructions. Après des débuts sur la pointe des pieds où l’ancien milieu de terrain a essayé différents systèmes (4-2-4 et 4-2-3-1 notamment) et n’était pas encore totalement fixé sur son onze de départ, il est par la suite assez rapidement devenu le capitaine du navire et a définitivement mis sa patte sur son équipe aujourd’hui.


 

Le 3-4-3, un système de jeu qui a transformé l’équipe

Les chiffres résument parfaitement la situation : depuis la passage au 3-4-3 Chelsea a enchainé 5 victoires de suite en marquant 16 fois et en ne prenant aucun but, avec des adversaires tel que Manchester United, Leicester et Everton. Mais comment ce système a t-il pu tant changer le visage de Chelsea ?

En simplifiant l’idée : ce schéma tactique colle parfaitement aux forces de l’effectif et masque les faiblesses de certains cadres. En développant l’idée :

– Une défense plus forte que jamais. Cette défense à 3 est un gros apport dans le but de combler les failles individuelles de Gary Cahill et David Luiz, en effet cela permet à Cahill de limiter son utilisation du ballon et simplement de se contenter de son apport dans les duels et le jeu aérien. Ainsi que ça offre à Luiz moins de responsabilités défensives étant donné les 2 soutiens à ses cotés que sont Azpilicueta et Cahill, lui qui n’est ni vraiment un milieu de terrain défensif ni un défenseur central très adapté aux responsabilités d’une défense à 4 : Conte a donc trouvé un très bon compris pour le Brésilien. C’est un très bon moyen de limiter l’impact de ses sauts de concentrations et de ses erreurs défensives. Le Brésilien peut cependant, et au contraire de Cahill, assurer beaucoup de travail dans la relance vu sa capacité à jouer long sur Diego Costa.

– Un double pivot sobre et efficace. Le duo composé de N’Golo Kanté et Nemanja Matić offre à Chelsea beaucoup de sécurité dans la transition défensive, ces deux milieux de terrain travailleurs et au volume de jeu au dessus de la moyenne sont le socle de l’équipe. Kanté toujours en retrait lorsque son équipe a le ballon, prêt à couper toutes tentatives de contre-attaques et à relancer sans prendre de risques sur les créateurs devant lui. Matic quant-à lui, n’hésite pas à plus se projeter que son compère et à amener un surnombre dans les 30 derniers mètres, tout en ayant lui aussi un gros volume défensif. Ce duo colle parfaitement aux volontés de Conte, lui qui exige beaucoup de rigueur tactique et de dévouement à l’équipe de la part de ses joueurs. De plus, la défense à 3 limite leur responsabilité dans la relance, ce qui simplifie leur tâche.

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Chelsea sous Conte : 3-2-4-1 en phase offensive // 5-4-1 en phase défensive.

– Des ailiers qui n’ont pas peur de faire le sale boulot. Marcos Alonso et Victor Moses, deux joueurs qui ont la lourde tâche d’animer les couloirs et qui ont la responsabilité d’enchainer les allers/retours sur le terrain pour assurer leur impact en défense comme en attaque. En défense ils jouent le rôle de latéraux classiques et en attaque celui d’ailiers pour offrir des solutions dans la largeur et tenter de déstabiliser la défense adverse. Si l’un d’eux se replie mal, l’équilibre collectif peut voler en éclat, ils ont donc une responsabilité énorme sur leurs (jeunes) épaules. Jusqu’ici, leur dévouement et leur impact dans le jeu est exemplaire.

– Les leaders techniques que sont Hazard et Costa ont retrouvé leurs niveaux. Est-ce seulement grâce au 3-4-3 ? Non, il serait idéaliste de le penser, toutefois l’impact tactique et mental de Conte est indéniablement la raison de cette forme. L’un est virevoltant, déroutant par ses dribbles et ses courses pour une défense et il dispose du talent nécessaire pour faire basculer un match sur un geste. L’autre est un guerrier absolu, qui se battra jusqu’à la dernière seconde d’un match et ses talents de buteur, sa capacité à gagner les duels, son jeu dos au buts et sa justesse technique très sous-estimé en font un cauchemar pour les défenses anglaises. Avec deux joueurs aussi forts sur le front de l’attaque, accompagnés par Pedro qui lui aussi semble retrouver des couleurs cette saison, l’attaque de Chelsea n’a pas finit de martyriser la Premier League.

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Antonio Conte, faux cheveux mais vrai plan de jeu

 Globalement, ce choix tactique du 3-4-3 par le technicien italien est pour l’instant une immense réussite. L’équipe ne montre aucune faiblesse majeure et semble à l’aise que ce soit dans les transitions, les circuits de passes de son jeu de position ainsi que défensivement dans son ensemble.

On dit souvent qu’un entraineur a besoin de temps, cette phrase est on ne peut plus vrai, cependant certaines exceptions arrivent à bousculer cette idée. En quelques mois seulement Antonio Conte a changé le visage d’une équipe, a redonné confiance à tout un effectif et lui a réapprit à triompher et à faire peur à l’adversaire. Le mois de mai est encore loin, mais plus les journées passent, plus la présence des hommes de Conte en hauts lieux de la Premier League sonne comme une évidence.

https://theviews.fr/2016/11/06/comment-antonio-conte-est-en-train-de-revolutionner-chelsea/

 

 

 

Les sélections nationales

 
Novembre 2012
 
L'Euro déjà archivé et à mi-chemin dans les éliminatoires pour la Coupe du Monde au Brésil, il est temps de dresser un bilan des performances de la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne. Les deux finalistes, l'Espagne et l'Italie, ont somme toute réussi leur Euro. Quant à la France et à l'Allemagne, pourtant demi-finaliste, ont beaucoup déçu. Revue d'effectif. 

France

L'arrivée de Didier Deschamps n'a pas entraîné de profondes modifications tactiques dans le jeu tricolore; elle a principalement permis de faire évoluer les mentalités et de faire le ménage, qu'ont favorisé certains déboires extra-sportifs.

La France a donc entériné le 4-3-3, un schéma à la mode, et la nouveauté est le choix des joueurs. En défense, Dédé semble avoir enfin trouvé sa charnière centrale, avec Sakho et Koscielny, aux dépens de Mexés et Rami. Sur les côtés, Réveillère et Clichy laissent la place à Debuchy et Evra. Au milieu, M'Vila et Diarra ont disparu; en attaque, Malouda et Nasri n'entrent plus dans les calculs du sélectionneur.

En choisissant d'évoluer avec un milieu récupérateur unique, au lieu de deux comme sous Domenech et Blanc, Dédé libère deux joueurs sur la droite et la gauche de celui-ci, chargés d'une double tâche défensive, quand ce milieu monte, et offensive dans le cas inverse. Mais, en y regardant de plus près, on se rend compte qu'il n'y pas véritablement de différence entre les trois joueurs, à part la position horizontale, puisqu'il s'agit de travailleurs capables/autorisés à participer au jeu offensif.

Plusieurs joueurs peuvent évoluer à ces postes. Citons pêle-mêle Gonalons, Capoue, Sissoko, Cabaye et Matuidi. La préférence semble aller pour l'instant au trio Capoue, Matuidi et Sissoko. 
En attaque, les solutions semblent par contre plus difficiles à trouver. La progression de Giroud en pointe risque de faire de l'ombre à Benzema; à gauche, Ribéry est intouchable, au déplaisir du talentueux mais inconstant Ménez. Enfin, au centre et à droite, les solutions se font rares. 

En l'état actuel, l'équipe joue avec la disposition suivante:

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Italie

Prandelli jouit d'une forte cote de sympathie en Italie depuis ses années à la Fiorentina. Les raisons sont un jeu attrayant, des résultats honorables (champion de série B avec Hellas Vérone, trois fois 4e avec la Fiorentina entre 2006 et 2008) et une communication sobre. Prandelli s'est fait également une spécialité d'insérer des joueurs nouveaux. Il découvre Chiellini, Montolivo, Pazzini et valorise des joueurs tels que Toni (Soulier d'or 2006) et Melo.

Le sélectionneur transalpin est donc bien placé pour découvrir des nouveaux talents et aider d'autres à s'épanouir. Il s'agit justement de la principale tâche qui attend la Squadra azzurra d'ici à 2014. La tactique évolue légèrement du 4-2-1-2 de l'Euro vers un 4-3-3, notamment dû au déclin de De Rossi. L'animation offensive du milieu est la principale concernée, la défense étant le point fort des Azzurri et Prandelli ayant définitivement pris le parti de titulariser de jeunes joueurs en attaque.

La tactique proposée est ainsi assez inédite pour la sélection italienne car le format des vingt dernières années a plutôt été celui d'un pilier en attaque (Vieri 2002, Delvecchio 2004, Toni 2006), autour duquel gravitait un joueur plus rapide (Bettega 1978, Rossi 1982, Conti 1986, Squillaci 1990, Inzaghi 1998) ou technique (Baggio 1990, Mancini 1992, Del Piero 2004), soutenu par un playmaker ou numéro 10 (Tardelli 1982, Giannini 1988, Zola 1996 ou Totti 2006.) On a ainsi rarement trouvé 3 attaquants alignés simultanément.

L'évolution dans le jeu continue aussi au milieu avec deux relayeurs, l'un sur la gauche et l'autre sur la droite, principalement inspirée par la Juve sous Conte. A la trappe donc les fameux milieux récupérateurs relayeurs uniques à l'italienne tels que De Napoli, Di Biagio, Conte ou encore Gattuso. Le jeu moderne demande désormais que les joueurs participent à la fois aux tâches défensives et offensives.    

Faute de mieux, Montolivo, plutôt habitué à distribuer le jeu, est chargé  de remplir ce rôle en compagnie de Marchisio. Cela ne fonctionne pas très bien pour des raisons de mentalité mais aussi parce les joueurs capables d'occuper ce poste sont rares. En l'absence de De Rossi, il est encore plus difficile de se priver de la vision du jeu et de l'intelligence tactique de "l'Allemand". Au demeurant, Prandelli compense les lacunes de son relayeur en demandant à l'attaquant droit de reculer et occuper de fait deux positions.

Comme on l'a évoqué, les nouveautés ne concernent pas l'arrière. Au milieu, Pirlo occupe sa position préférée depuis 7 saisons et l'arrivée de Verratti ne devrait pas changer la donne, à condition de pouvoir compter sur les fameux deux relayeurs. Derrière, on retrouve la traditionnelle défense à quatre qu'affectionnent tant les Italiens, avec Bonucci/Barzagli/Chiellini au centre, Maggio et Balzaretti sur les ailes. La tentation est grande de décaler Chiellini sur l'aile gauche, non pas pour soulager Marchisio, seul à ce poste cela dit, mais parce que ce choix stabiliserait le côté gauche, sérieusement porté vers l'avant avec El-Shaarawy.

En l'état actuel, l'équipe joue avec la disposition suivante:

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Allemagne

La Mannschaft a déçu durant l'Euro, non pas pour son jeu (2 buts par match), mais pour son nouvel échec (3è élimination en demi-finale depuis 2006.) L'Allemagne n'a donc toujours rien gagné depuis 1996, une éternité à l'échelle allemande. Mais c'est surtout la façon dont la sélection a été éliminée qui a frappé, pour la plupart tétanisés par l'enjeu, les joueurs de Low ont cédé sans vraiment lutter face à des équipes réalistes (Espagne en 2008 et 2010, Italie en 2012.)

La leçon ne semble toutefois pas retenue, vu les résultats affichés depuis la fin de l'Euro. La Mannschaft a décidé de ne pas sacrifier son style offensif (5 matchs, 15 buts marqués, 6 encaissés), mais elle apparait encore fragile, comme l'a attesté l'écroulement en match amical face à la Suède, le 16 octobre 2012 (4 buts subis lors de la dernière demi-heure.)

Quelles en sont les raisons?

La faute peut encore être imputée à la jeunesse (26 ans de moyenne pour le onze de départ, contre 28,5 ans pour l'Italie), mais cela n'est plus une raison suffisante; d'une part parce que d'autres équipes telles que la France ont une moyenne générale similaire, d'autre part parce que la défense a le même âge (27 ans) que celle de l'Espagne, pourtant meilleure défense de l'Euro; elle comptabilise de plus 58 sélections en moyenne, contre 21 pour la France et 33 pour l'Italie.

Nous voyons en fait deux principales raisons aux échecs successifs de la Mannschaft dès qu'il s'agit de franchir le dernier obstacle. Premièrement, l'absence d'un réel chef capable de secouer l'équipe voire de la porter à bout de bras. En l'espèce, Lahm ou Schweinteiger, mais aussi le sélectionneur Löw, sont loin d'avoir le charisme et l'emprise qu'ont pu avoir en d'autres temps Beckenbauer, Matthäus ou Sammer.

Deuxièmement, la tactique de jeu est bien trop offensive, non pour la mentalité allemande, mais pour une équipe qui aspire gagner des titres. On ne le sait que trop bien, la victoire appartient aux équipes dotées d'une solide défense, et qu'importe la présence de redoutables attaquants en leur sein. Souvenons-nous du Brésil de 1994 qui a gagné la World Cup grâce à une défense de fer (2 buts encaissés en 7 matchs), et ce malgré la présence en attaque de Bebeto, Romario et d'un certain Ronaldo.

A l'heure du football spectacle, l'Allemagne semble pour l'instant faire fausse route en privilégiant le beau jeu au résultat. Gageons néanmoins que le retour sur le devant de la scène du Bayern, en lieu et place du virevoltant Borussia Dortmund ramènera avec lui la culture de la solidité qui a fait la grandeur de la Mannschaft. Une solution serait de reculer Khedira ou remplacer Müller ou Reus par un autre joueur moins offensif pour faire du 4-2-4 plutôt un 4-3-3, voire un 4-4-2. Cela passerait peut-être par le sacrifice de Klose (ou Gomez) pour resserrer les deux autres attaquants ou le déplacement de cette pointe vers la gauche ou la droite du terrain.

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Espagne
 
La Roja comme il est désormais coutume de l'appeler a connu une période de décompression après l'éclatante victoire en finale de l'Euro face à l'Italie. Rien de plus logique pour équipe jugée sur le déclin et qui a été critiquée avant et pendant l'Euro pour son jeu stérile. Le calendrier des clubs, la coupure estivale et l'absence de véritable enjeu ont conduit à perdre deux matchs, face au Japon (0-1) et le Honduras (0-1), concéder le nul face au Maroc (0-0) et remporter sur le fil le match contre Porto Rico (2-1.) 

L'attaque s'est ensuite réveillée, puisque les Espagnols ont marqué 16 buts lors de leurs 5 derniers matchs, en encaissant simplement deux buts. Tout semble aller pour le mieux, le fond de jeu demeure le même et Del Bosque peut préparer à construire l'avenir, le plus difficile étant de durer. Un an et demi avant la prochaine Coupe du Monde, l'Espagne doit réussir son évolution sans faire de révolution.

Cela n'est pas chose simple. Pour l'instant, la relative faiblesse des adversaires dans son groupe éliminatoire, à l'exception de la France, et les matchs amicaux choisis pour des raisons politiques plus que sportives, sont l'occasion de tester des nouveaux joueurs. Contre le Panama, le 14 novembre dernier, le sélectionneur a ainsi titularisé des nouveaux venus (Beñat, Susaeta) et relancé des "anciens" (Mata.)

Le jeu demeure identique: une possession de balle, des joueurs déployés sur toute la largeur du terrain et un pressing moyennement haut, au niveau du milieu du terrain. La tactique ne change pas trop non plus, avec toujours 4 défenseurs et trois milieux. Par contre, le jeu d'attaque ressemble davantage à ce que l'Espagne pouvait proposer avant l'Euro, soit un trio avec une pointe centrale, Villa principalement. Cela n'est ceci dit pas toujours vrai et Del Bosque semble tenir à son dispositif avec un milieu disposé en pointe lors des matchs importants. Ce fut le cas contre la France avec Fabregas en attaque le 16 octobre 2012.

Toujours aussi critiques, nous persistons à penser que le vieillissement, la lassitude et la moindre intelligence tactique des nouvelles recrues sont autant d'arguments en défaveur de la Roja non durant les prochains mois, mais pour le Brésil 2014. A cette date, beaucoup de cadres auront allégrement dépassé la trentaine: Casillas (34 ans), Arbeloa (31 ans), Alonso (33 ans), Xavi (34 ans.) On le voit bien sur le schéma ci-dessous: la force de la Roja, le milieu, risque de céder face au poids de l'âge.

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Mai 2012
 
A l'approche de l'Euro 2012, il est intéressant de se pencher sur le style de jeu de quelques équipes européennes. Nous nous concentrerons sur l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et la France. Après un aperçu de la tradition de jeu de ces sélections, nous verrons ensuite comment celles-ci ont décidé de jouer leurs derniers matchs de qualifications avant l'Euro.
 
France 4-3-3
 
Le football français a longtemps été tourné vers l'offensive. La sélection de 1958 alignait 5 attaquants (Wisnieski, Kopa, Fontaine, Piantoni et Vincent) et l'équipe victorieuse de l'Euro 1984 jouait avec pas moins de 5 joueurs à vocation offensive (Platini, Giresse, Fernandez, Lacombe et Six.) Le football moderne a toutefois eu raison de l'enthousiasme offensif à la française et la priorité a été progressivement donnée à la maîtrise du ballon. Les sélections ont commencé à intégrer à partir de l'ère Platini-entraîneur des milieux de terrain athlétiques (Bravo, Deschamps, Karembeu, Petit, Vieira) et techniques (Pardo, Durand, puis Djorkaeff, Zidane, Pires), un choix à l'origine du sacre de 1998. L'attaque s'est quant à elle concentrée sur un travail de finition, ce qui nécessitait bien moins de joueurs. 
 
Les sélections ont pu souvent se présenter avec un seul attaquant en 1990-92 (Papin) ou en 1998 (Guivarc'h), avant de revenir pour peu de temps à deux attaquants (Anelka et Henry) sous l'ère Lemerre. Ce choix n'est pas d'ailleurs sans expliquer la difficulté pour tous les sélectionneurs des années 2000 de titulariser simultanément des joueurs de renom que furent Trézéguet, Wiltord et Henry. Si la sélection a certes vu passer d'autres joueurs en attaque tels que Vahirua, Cocard, Ginola ou Cantona, sans grande réussite d'ailleurs, la philosophie d'ensemble n'a pas été bouleversée car les deux premiers s'apparentaient plutôt à des super ailiers alors que les deux derniers, trop atypiques pour entrer dans un schéma, n'étaient ni des attaquants finisseurs, ni de stricts milieux offensifs.
 
La sélection actuelle reste marquée par cette évolution, d'autant plus qu'elle est menée par un joueur (Blanc) qui a connu ce type de jeu. Ménez et Nasri héritent ainsi, toutes proportions gardées, des postes occupés par Zidane et Djorkaeff, pendant que Cabaye et M'Vila reprennent les zones occupées par Vieira ou Makélélé. Dans ce schéma, Ribéry ou Malouda ressemblent davantage à des dynamiteurs et à des pourvoyeurs de ballon à destination d'un seul attaquant finisseur, Rémy ou Gomis, plutôt qu'à des attaquants de type pur. 
 
Le risque d'un tel mode de jeu est de devoir "inventer" simultanément des milieux techniques, rapides et inventifs, or une telle configuration se réalise rarement dans l'histoire. Sans nier leur qualité, force est malgré tout de constater que ces joueurs, notamment les milieux offensifs, ont un niveau plutôt moyen qui ne peut pas leur permettre de remporter autant de succès que leurs prédécesseurs. Il ressort enfin que les joueurs évoluent donc dans un style forcé dicté par la tradition et le sélectionneur gagnerait sûrement à adapter sa tactique aux joueurs dont il dispose. En l'occurrence, nous proposons un 4-4-2 qui aurait le triple mérite de soulager Rémy, trop léger pour porter seul le poids de l'attaque, rendre le jeu moins dépendant d'un milieu créateur central aussi imprévisible que Ménez et, enfin, permettre de redécouvrir les vertus des défenseurs latéraux.
 
A titre d'information, la dernière composition officielle contre la Bosnie (11.10.2011) était la suivante:
Lloris – Réveillère, Rami, Abidal, Evra – M’Vila, Cabaye, Nasri – Ménez, Malouda – Rémy
 
Italie 4-3-1-2 (ou 4-4-2)
 
L'Italie a connu plusieurs périodes de succès, dont les principales furent 1934-38, 1968-70, 1982, 1994 et 2006. Contrairement à la France, l'évolution du football italien est plus difficile à résumer. Certes, la tradition veut que le football italien fasse la part belle à la défense, mais les choses sont bien plus complexes. L'équipe menée par le même entraîneur (Vittorio Pozzo) de 1928 à 1948 s'est d'abord fait remarquer par un jeu très défensif à l'origine du premier sacre en coupe du monde en 1934 (quatre buts en trois matchs qualificatifs, dont un dantesque quart de finale contre l'Espagne), avant d'évoluer vers un style bien plus offensif  qui lui a permis de gagner les JO de Berlin et la coupe du monde de 1938 (9 buts lors des 3 derniers matchs, dont un 4-2 contre la Hongrie en finale.) 
 
Tout aussi déroutant est le cycle 1968-1970 ponctué par la seule victoire italienne à un championnat d'Europe des Nations et une finale de coupe du monde. Là encore, la sélection est passée d'un style de jeu fermé avant que Mazzola, Rivera et Riva réussissent à transformer la Squadra Azzurra à la Coupe du Monde 1970, notamment en quart de finale et en demi-finale (4-1 contre le Mexique et 4-3 contre la RFA.) Le constat est tout aussi mitigé pour les victorieuses campagnes 1980-82 et 2004-06 durant lesquelles ont brillé le milieu de terrain (Tardelli, Conti, Gattuso, Pirlo) et surtout la défense (2 buts encaissés en 2006), menée par Gentile et Scirea en 1982, par Nesta et Cannavaro, ballon d'or, en 2006. 
 
L'Italie a par deux fois proposé un jeu offensif intéressant alimenté par des attaquants remarquables (Rossi, Totti, Del Piero), mais celui-ci s'est révélé peu productif (1-0 en quarts, 0-0 à la fin du temps réglementaire en demis, 1-1 en finale.) Seule peut-être la période allant de 1990 à 1994 correspond parfaitement à l'image de solidité mais surtout de frilosité offensive qu'abhorre le commentateur. La sélection a ainsi terminé son Mondial de 1990 avec une moyenne de 1,4 buts marqués par match, dont trois victoires en 1-0, et elle a accédé en finale de la World Cup avec un compteur en attaque bloqué à 6 buts (0,85 but de moyenne) et une Baggio-dépendance criante (5 buts sur 6.)
 
Connu pour son jeu rapide et enlevé, Prandelli a réussi à tourner la page Lippi et a rajeuni la sélection, tout en restant fidèle à la tradition du 4-4-2. Néanmoins, les succès de la Juventus, dont les joueurs forment traditionnellement l'ossature de la sélection, mais aussi les vicissitudes (maladie de Cassano) ont fait évoluer le module qui ressemble désormais plutôt à un 4-3-1-2, avec Montolivo en player-maker. En réalité, on risque de retrouver à l'Euro un jeu mené plutôt par Pirlo, flanqué de Marchisio et De Rossi, juste derrière Montolivo, à moins que Prandelli n'opte pour un 4-3-3 dont ferait les frais soit Marchisio soit De Rossi. Devant, l'incertitude continuera de dominer, vu le caractère d'un Balotelli, les habitudes de jeu de Di Natale et la relative faiblesse de Matri, Rossi ou Pazzini. Il ressort de cette analyse que l'Italie ne peut raisonnablement pas prétendre gagner l'Euro: la défense est friable voire tendre (Barzagli), l'attaque est trop légère et le milieu est miné par un problème de cohésion, sans parler de sa dépendance envers Pirlo, peut-être usé par sa belle saison à la Juve.
 
A titre d'information, la dernière composition officielle, contre l'Irlande du Nord (11.10.2011) fut la suivante: Buffon; Cassani, Ranocchia, Chiellini, Balzaretti; Marchisio, Pirlo, De Rossi; Montolivo; Rossi, Cassano
 
Allemagne 4-2-4
 
Il est difficile de retenir une période précise de succès pour l'Allemagne, vu sa régularité (12 demi finales et 3 titres en Coupe du Monde, 6 finales de Championnat d'Europe, dont 3 gagnées.) On peut toutefois identifier trois périodes, à savoir 1954-1974, 90-96 et 2006-11, qui correspondent à trois mentalités de jeu. A l'instar de l'Italie, les équipes d'Allemagne (RFA et RDA) ont souvent fait preuve de beaucoup de solidité en défense, que ce soit sous l'ère Helmut Schön (1964-78) ou sous Beckenbauer (1984-90.) Elles ont également démontré une vraie volonté de jouer et de fournir un jeu offensif de qualité. D'ailleurs, il y a bien une raison au fait que des attaquants tels que Seeler, Müller, Rummenigge ou Völler ont marqué de leur empreinte le football offensif mondial. 
 
Bien que victorieuse, la campagne lors de la Coupe du Monde en 1990 a fait entrer l'Allemagne dans une nouvelle ère, celle d'une relative austérité, à l'image de toute la société allemande de l'époque. Les années 1990 (mais on peut prolonger jusqu'en 2002) voient bien l'Allemagne accéder à trois finales pour en gagner deux (1990 et 1996) mais le jeu pratiqué est bien moins flamboyant qu'avant. La raison tient à la priorité accordée au milieu de terrain (Matthäeus est ballon d'or 1990) voire à la défense (Sammer est ballon d'or en 1996), au détriment ou du fait de l'absence d'attaquants de premier plan (tout au plus Klinsmann et Bierhoff.)  Cela conduit au milieu des années 2000 à la révolution opérée par Klinsmann et Löw et qui peut être résumée par ces trois mots: vitesse, jeunesse et enthousiasme.
 
Le jeu pratiqué par l'Allemagne est en effet devenu très divertissant et relativement gagnant. Certes, aucun titre n'a été gagné (1 finale de l'Euro 2008 et deux demi finales de coupe du monde en 2006 et 2010), mais la priorité à l'attaque, le foisonnement de brillants attaquants, l'expérience de certains joueurs installés depuis 2004 (Schweinsteiger, Lahm, Mertesacker, Podolski, Klose) et le lent apprentissage des autres (Boateng, Özil, Khedira, Götze, Gomez) sont des solides atouts qui font de la Mannschaft l'équipe favorite pour les deux prochaines compétitions internationales. Le système inventé par Löw tranche avec le 4-4-2 traditionnel et encore plus avec le 5-3-2 de Vogts en 1994-96. Il laisse le rôle de relayeur à Schweinsteiger, un ancien meneur de jeu, et celui de distributeur à Özil. Toute l'équipe participe donc à l'attaque, non seulement les 4 attaquants, complémentaires, mais aussi les ailiers. De même, le schéma en 4-5-1 ne doit pas induire en erreur car au moins deux milieux sont en réalité des attaquants (Müller, Kroos.)
 
A titre d'information, la dernière composition officielle, contre les Pays-Bas (15.11.2011) fut la suivante:
Neuer, Mertesacker, Aogo, Boateng, Badstuber; Podolski, Özil, Khedira, Kroos, Müller, Klose
 
Espagne 4-3-3
 
Malgré une tradition du beau jeu, la sélection n'a pas souvent brillé, à l'exception de la victoire à l'Euro 1964 et la finale de l'Euro 1984. Depuis 1934, elle a atteint deux fois seulement le dernier carré de Coupe du Monde en 18 éditions (1950 et 2010) et a été éliminée 4 fois au tour préliminaire et quatre fois au premier tour. La raison d'une telle inefficacité tient peut-être au pouvoir et à la rivalité du Real ou de Barcelone qui ont privé la sélection de la capacité à former un groupe solidaire, volontaire et conquérant. Il n'est dès lors pas étonnant que les succès espagnols correspondent à chaque fois à la surreprésentation de joueurs issus du club du moment. Pensons à la domination du Real "yéyé" des années 1960, à la Quinta del Buitre des années 1980 ou encore au Barça de l'ère Guardiola (7 joueurs dans le onze titulaire en finale de la Coupe du Monde 2010.)
 
Parmi les autres pistes, on peut également penser au rôle joué par les clubs dans le recrutement de joueurs étrangers de premier plan au détriment des Espagnols. Les grandes vedettes de la Liga furent ainsi souvent étrangères, de l'Argentin Di Stefano (naturalisé en 1957), à son compatriote Messi, en passant par Puskas (Hongrie, naturalisé en 1960), Santamaria (Uruguay), Cruyf (Pays-Bas), Maradona (Argentine), Ronaldo (Brésil), Zidane (France) et C.Ronaldo (Portugal.) Le meilleur exemple est assurément la première moitié des années 2000 dominée par la figure des Galactiques et durant laquelle la Liga a vu arriver de nombreux joueurs étrangers. Pourtant, la sélection a durant cette période accumulé les résultats décevants, avec des éliminations au premier tour (Coupe du Monde 1998, Euro 2004), un huitième de finale (2006) et un quart de finale (2002.)
 
Ce n'est que ces dernières années que l'Espagne semble entrée dans une autre dimension en gagnant consécutivement l'Euro 2008 et la Coupe du Monde 2010 et en égalant le record de 14 victoires d'affilée en matchs officiels détenu par la France et les Pays-Bas. Les raisons d'un tel succès sont là encore la prédominance des joueurs issus d'un club (Barcelone), le résultat d'une véritable politique de formation (24% des joueurs espagnols ont percé avec leur club de formation et 9 joueurs titulaires en 2010 évoluaient dans leur club d'origine), une équipe expérimentée (6 des 7 joueurs les plus capés de l'Histoire sont encore en activité) et enfin la présence d'un sélectionneur chevronné et charismatique, contrairement à ses trois prédécesseurs (Clemente, Camacho, Saez.) C'est aussi la consécration d'un jeu très technique organisé par Alonso, Xavi, Iniesta et Pedro, en support d'une seule pointe (Villa ou Torres.) Le jeu proposé par la Roja est ainsi relativement semblable au jeu du Barça, notamment en attaque.
 
A titre d'information, la dernière composition officielle, contre le Costa Rica (15.11.2011), fut la suivante:
Casillas, Ramos, Puyol, Arbeloa, Monreal, Xavi, Alonso, Fabregas, Iniesta, Mata, Villa
 
 
Modifié par Charlie

 

 

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Manchester City 5-3 Monaco : l’analyse tactique

 

 

Jeudi dernier, l’épisode 25 de Vu du Banc se terminait avec un pronostic annonçant une goleada pour ce Manchester City – Monaco. On n’en espérait quand même pas autant ! Mais que retenir d’un match aussi fou ? Tentative d’analyse.

Les compos :

Dans la matinée précédant la rencontre, certains médias annonçaient un coup tactique de Jardim avec une équipe organisée en 4-3-3 ou 4-2-3-1 et Kylian Mbappé parmi les titulaires. Si le jeune attaquant a bien débuté la rencontre, c’est bien dans son 4-4-2 classique que l’ASM a évolué à l’Etihad.

En face, Man City est aussi resté sur sa dynamique actuelle : en 4-3-3 avec Touré en n°6 et Fernandinho sur le flanc gauche de la défense.

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Monaco : pressing gagnant… mais pas constant

C’était l’une des deux grandes questions tactiques de cette rencontre. Qu’allait faire l’AS Monaco face aux sorties de balle de Manchester City ? Quelques secondes ont suffi pour avoir une réponse : comme contre le PSG et Nice, les Monégasques ont voulu défendre en avançant et sont allés presser très haut.

Lorsque City repartait de Caballero, l’ASM laissait partir la première passe (vers Stones ou Otamendi). Placé à hauteur de Touré au départ, Mbappé et Falcao déclenchaient le travail entre ce dernier et ses défenseurs (l’un sort au pressing, l’autre reste dans la zone). Si City ne parvenait pas à sortir, Monaco accentuait la pression avec la montée de Bernardo Silva, de manière à créer un 3 contre 3. Sur les côtés, Lemar et Fabinho fermaient les couloirs face à Sagna et Fernandinho.

Face à cette situation, City a voulu s’appuyer sur Silva pour créer le surnombre. Le meneur a décroché à plusieurs reprises pour offrir une 2ème solution aux côtés de Yaya Touré. Mais l’Espagnol a rarement été une solution utilisable et utilisée en raison de la compacité des Monégasques.

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Néanmoins, il a aussi été oublié. Principal coupable, Willy Caballero : le portier argentin a manqué à la fois de sérénité et de justesse technique sur ces séquences de jeu. Son jeu long a même plus souvent aggravé les problèmes qu’il ne les a résolus. C’est d’ailleurs l’un de ses dégagements ratés qui a été à l’origine du 1er but de l’ASM (Falcao, 36e).

En difficulté pour ressortir proprement, Manchester City a été contraint d’allonger pour sortir de ses 25m. Stones a souvent cherché Aguero, avec plus ou moins de réussite au fil du match. Heureusement, les Skyblues ont limité les dégâts sur les deuxièmes ballons (voir par ailleurs).

Autre solution pour se donner de l’air, les décrochages de Touré entre Stones et Otamendi. Ces derniers réduisaient les distances entre les défenseurs et permettaient d’éviter de revenir sur Caballero. Face au jeu, l’Ivoirien a su faire parler sa qualité de passes sur quelques séquences.

A noter aussi que les sorties de balle réussies par les Skyblues, sous la pression ou en transition, se sont pour la plupart terminées aux abords de la surface monégasque. A l’inverse de Nice ou du PSG, les joueurs de Guardiola ont su pousser ces actions jusqu’au bout… enfin presque, l’ASM se reposant sur sa défense pour bloquer l’accès à la Danger Zone.

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Monaco : des couloirs plus agressifs

C’était la deuxième interrogation de notre preview tactique. Comment l’ASM allait-il gérer la fermeture des couloirs face à cette équipe de City, qui peut s’appuyer sur un très bon centreur (Kevin de Bruyne) et des joueurs de percussion ?

Comment supprimer cette menace ? En laissant très peu d’espaces et de temps aux Skyblues pour combiner dans ces zones-clés. Les latéraux de l’ASM se sont montrés très agressifs durant la première mi-temps : Sidibé et Mendy n’ont pas hésité à sortir très haut afin de laisser un minimum de temps à Sané et Sterling pour contrôler et prendre les informations nécessaires pour construire.

Ils recevaient en plus l’aide de leurs ailiers (Lemar, Bernardo Silva), qui revenaient lorsque les latéraux adverses lâchaient le ballon. Dans le coeur du jeu, Fabinho et Bakayoko étaient eux très attentifs aux déplacements de Silva et De Bruyne. Ils les accompagnaient lorsqu’ils s’excentraient en espérant trouver des combinaisons à deux ou trois.

Aguero et le 3-4-3 :

Pep Guardiola a d’ailleurs tenté de jouer avec ces orientations joueurs des deux milieux axiaux de Monaco. L’idée était de les amener sur les côtés pour ensuite chercher une passe directe à l’intérieur – depuis un défenseur vers Sergio Aguero -. Si l’idée a fonctionné en début de match, elle a été limitée par les nombreux ballons perdus par Aguero durant la première mi-temps (6). L’Argentin est monté en puissance par la suite (voir par ailleurs). 

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Au bout d’une vingtaine de minutes, Man City a aussi ajusté son système de jeu en possession : Fernandinho a laissé son flanc gauche pour rejoindre le milieu aux côtés de Touré. Du coup, City n’avait plus 2 mais 3 joueurs pour relancer face à Mbappé et Falcao.

Ce changement n’a pas eu d’effet direct : le surnombre crée face aux attaquants monégasques n’a pas suffi à amener de décalage. Le jeune attaquant a notamment abattu un gros travail pour empêcher les dépassements de fonction d’Otamendi sur son côté gauche.

Au final, Monaco a plutôt bien tenu le choc sur le plan défensif en première mi-temps. Man City ne s’est crée que deux grosses opportunités sur attaque placée : un centre signé De Bruyne qui est passé devant les cages de Subasic après un changement de jeu de Fernandinho (23e), puis le but inscrit par Sterling après un exploit de Sané sur son côté gauche (26e).

Les Monégasques ont en plus transformé quelques récupérations basses en contre-attaque (10e, 44e). A la pause, l’ASM était dominateur au tableau d’affichage (2-1) mais aussi sur le plan statistique (10 tirs à 3 !), bien aidé en attaque par la vitesse de Mbappé qui pose beaucoup de soucis à la défense anglaise.

Monaco manque le break

Le second acte a d’abord été marqué par une bonne entame des visiteurs. Sans aller chercher aussi haut qu’en première mi-temps, les joueurs de Jardim ont réussi à stopper la progression de City au milieu de terrain, toujours grâce à cette agressivité de Sidibé et Mendy dans les couloirs.

En vérité, les Monégasques avaient encore un peu de jus pour faire reculer leurs adversaires, forcer le jeu long, ce qui facilitait les récupérations… Le ballon était gagné assez haut, ce qui permettait de le ramener rapidement dans la surface de Caballero pour finalement provoquer un penalty (51e). Falcao est malheureusement passé à côté de cette balle de double-break, ce qui a maintenu City dans le match.

La conducción, clé du retour des Skyblues

La partie a ensuite lentement mais très sûrement basculé en faveur des pensionnaires de l’Etihad Stadium. Une raison à cela : les Monégasques n’avaient plus les jambes pour défendre face à la relance. Lorsque City était bloqué d’un côté, l’équipe n’avait plus à reculer pour aller à l’opposée : il lui suffisait d’une passe latérale pour libérer un joueur et continuer sa progression.

Le 3-4-3 mis en place par Guardiola a alors pris tout son sens. Le surnombre par rapport à Falcao-Mbappé s’est fait de plus en plus sentir alors que les deux attaquants monégasques ont baissé de régime sur le plan physique. A gauche, Otamendi a commencé à avoir de plus en plus de temps et de champ libre devant lui pour avancer avec le ballon.

L’entrée en jeu de Zabaleta (Fernandinho out, 62e) a apporté une solution supplémentaire dans le couloir droit et redistribué les rôles à la relance. Sagna a pris le poste laissé vacant par Fernandinho, latéral gauche en défense et milieu de terrain en possession, tandis que Touré est devenu le pendant d’Otamendi côté droit, chargé d’aller fixer balle au pied.

Ces conduites de balle (ou conducción à l’espagnole) ont fait toute la différence dans l’animation offensive de City. Les Monégasques ne pouvaient plus « se contenter » de gérer les mouvements des solutions qui s’offraient au porteur de balle. Il s’agissait désormais de contrôler aussi ce dernier qui s’avançait vers le but !

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Ces montées ont considérablement déformé la structure défensive de l’ASM. Les passes vers Aguero ont été de plus en plus lisibles et faciles à donner. L’Argentin en a en plus profité pour élever son niveau de jeu et peut-être livrer l’une de ses meilleures mi-temps de la saison.

Déjà inspiré durant le premier acte, David Silva s’est régalé de ces nouveaux espaces entre les lignes de l’ASM. Il a multiplié les passes vers l’avant, envoyant à tour de rôle Zabaleta, Sané et Aguero dans la surface.

Dépassé dans les half-spaces et sur les côtés, Monaco a d’abord tenu le choc grâce à sa défense centrale, qui a continué de repousser les tentatives d’incursion dans la Danger Zone. L’équipe de Jardim a fini par craquer sur deux coups de pied arrêtés qui ont fini leur course au deuxième poteau : Sidibé a d’abord laissé Aguero ajuster sa reprise (71e), avant que Glik ne lâche le marquage de Stones (76e).

Sonnés par ces deux buts encaissés, les Monégasques en ont pris un 3ème sur une merveille d’action collective lancée par… une nouvelle « conducción » de Yaya Touré, suivi d’un une-deux entre Silva et Aguero et une conclusion de Leroy Sané (81e).

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Man City en défense : beaucoup de solidarité pour masquer (en partie) la fébrilité

Et la défense de Manchester City dans tout ça ? Malgré les 3 buts encaissés, les Skyblues ont quand même montré un visage intéressant sur le plan collectif. Réussir face à la meilleure attaque d’Europe avec Silva, Sterling, De Bruyne, Aguero et Sané sur le terrain n’était pas garanti, loin de là.

Les joueurs de Guardiola ont d’abord répondu présent dans le défi physique et athlétique qui leur était promis. Derrière Aguero, De Bruyne et Silva ont fait les efforts pour aller au pressing et forcer l’ASM à jouer long… Et ils ont été à la retombée de ces renvois, aidés par Sané et Sterling dans la lutte pour les deuxièmes ballons. En première mi-temps, les Skyblues ont même eu le dessus sur les Monégasques dans ce secteur.

Ils se sont aussi montrés très réactifs à la perte de balle et au niveau du repli défensif. Sur plusieurs séquences, on a ainsi vu des joueurs comme De Bruyne ou Aguero redoubler les courses pour rattraper un ballon qu’il venait de perdre ou maintenir la pression afin de couper la transition adverse.

 

 

Symbole de cette activité des joueurs à vocation offensive de Guardiola, Sergio Aguero est le joueur de City qui a récupéré le plus de ballons dans ce match (8) devant Yaya Touré, Leroy Sané (7) et Kevin De Bruyne (6). Au total, les cinq « stars » (Aguero, Sané, De Bruyne, Silva, Sterling) ont même récupéré plus de ballons que les « défensifs » (29 sur 53 au total, soit 55%).

Mais leur activité n’a pas été suffisante. Car derrière, la défense n’a pas été à la hauteur. Monaco s’est crée 6 occasions franches (dont le penalty) et en a converti 3. Sur chaque situation ou presque, l’ASM a exposé les limites individuelles de l’arrière-garde de Man City. On a évoqué le dégagement manqué de Caballero sur le 1er but (36e). Il faut y ajouter l’inattention de la charnière centrale, prise de vitesse par Mbappé sur le 2ème (40e) et surtout le duel perdu par Stones sur le 3ème (61e).

Ce un-contre-un entre Falcao et Stones suffit presque à illustrer les limites de l’équipe de Guardiola cette saison. La saison dernière, ce genre de long ballon n’était même pas un début d’occasion pour son Bayern. Boateng assurait la couverture dans sa moitié de terrain, parfois assisté par Neuer en cas de force majeure.

Tant que l’arrière-garde de City sera aussi fébrile, il sera difficile d’espérer une quelconque performance des Skyblues sur la scène européenne. En tout cas, avec un tel plan de jeu…

 

Conclusion :

Certes, Monaco a mené au score et a eu une balle de 3-1. Le match bascule peut-être à ce moment précis, mais Manchester City mérite sa victoire. Les joueurs de Guardiola sont apparus bien plus prêts pour cette première échéance, notamment sur le plan physique qui a fait la différence en deuxième mi-temps. Ils se sont aussi enfin montrés réalistes, bien aidés il est vrai par les grossières fautes de marquage des Monégasques.

Cet avantage de 2 buts les met en position favorable en vue du match retour mais Monaco aurait tort de ne plus y croire : la défense des Skyblues ne sera pas moins fragile dans deux semaines et on imagine mal Guardiola modifier son plan de jeu pour mieux la protéger d’ici là. Bref, City a pris une sérieuse option mais si le match retour est aussi fou que celui-là, tout est encore possible. Et à lire Guardiola…

http://www.chroniquestactiques.fr/ligue-champions-manchester-city-5-3-monaco-analyse-tactique-huitieme-finale-aller-guardiola-jardim-18006/

 

 

 

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Première partie:

 

LE 4-2-4, UN FOOT DE JUSTICE

 

Comment le jeu a-t-il évolué au fil des décennies ? Pascal Charroin, spécialiste de son histoire, en évoque les grands tournants. Première partie : de la préhistoire à l'âge d'or du 4-2-4.
 
 
Pascal Charroin est maître de conférences au département Staps de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, où il enseigne l’histoire du sport et de l’éducation sportive, et collabore au Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS) de Lyon. Auteur de la thèse Allez les Verts ! De l’épopée au mythe : la mobilisation du public de l’Association sportive de Saint-Étienne ses sujets de recherches portent sur l’histoire du football, du cyclisme et du water-polo. En lien avec l’Institut des études régionales et du patrimoine (IERP) de Saint-Étienne et des Archives municipales qui conservent les archives de l’ASSE, il étudie l’évolution du jeu, des origines à nos jours.
 
Interview parue dans les Cahiers du football #43, avril 2009.
 
* * *
 
La préhistoire du jeu
 
 
De quand datent les premières règles ?
En 1863, des pontes d’Oxford et Cambridge se réunissent pour unifier les règles dans leur pays ; le jeu en effet se finissait souvent en bagarre, il fallait clarifier tout cela. La tendance est alors à la séparation entre le foot et le rugby. Les participants ont deux points de divergence. D'abord, le "hacking" (coup de pied dans les tibias), qui va être aboli pour les footeux, maintenu par les rugbymen. Ensuite, l’utilisation des pieds et des mains. Pour les tenants du football, sociologiquement, jouer au pied, c’est mettre de la distance avec le ballon qui est sale, mal gonflé, etc. Jouer avec le pied est civilisateur! Pour les défenseurs du rugby, jouer au pied est au contraire un acte vulgaire. Il s’opère donc une scission. Sur les dix-sept participants à la réunion, treize valident les règles du football, quatre celles du rugby.
 
Le football et le rugby deviennent deux sports distincts...
Officiellement oui, mais dans les faits il faudra attendre le début du XXe siècle. Les règles du rugby sont éditées dès 1871. Par exemple, la manière de marquer des buts est similaire: la cage est constituée de deux poteaux sans barre transversale. Il faut attendre le tournant du siècle pour que cela change.
 
 
 
Côté tactique, où en est-on ?
C’est l’époque du dribbling game (conduite de balle, en français). Le principe est le suivant: le joueur parcourt le plus de distance possible balle au pied. Il donne la balle quand il ne peut pas faire autrement. La passe n’a aucune vocation offensive, c'est un acte par défaut. Elle ne va devenir une arme offensive et tactique en Angleterre qu’au début du XXe siècle. Simultanément, on assiste à une spécialisation des postes à la fin du XIXe siècle : la balle bouge mais pas les joueurs. Les avants ne vont pas derrière, les arrières ne vont pas devant. On arrive au passing game.
 
Ce sont les Écossais qui ont inventé la spécialisation des postes…
Ils sont à l'origine de tout, et pas seulement dans le foot. Ce sont eux qui mettent un gardien dans les cages, sans parler de leur rôle dans l’édification des règles.
 
Comment se composent les équipes ?
Il y a beaucoup plus d’attaquants que de défenseurs. L’entrejeu n’existe pas, ne sert à rien. On le saute. Le poste de numéro 10, si prestigieux de nos jours, est impensable à l’époque. C’est un peu le kick and rush que l’on connaîtra plus tard. À partir de l’entre-deux-guerres, tout le monde commence à bouger, et ce mouvement n’est pas fini aujourd’hui. On joue en 1-1-8 puis on va déshabiller l’attaque jusqu’au 2-3-5 des Italiens en 1934 et 1938.
 
 
Le règne du WM
 
 
Et arrive le WM...
C’est une invention anglaise popularisée par Arsenal, qui consiste en un 3-2-2-3. Trois défenseurs, deux milieux défensifs, deux milieux offensifs, trois attaquants. Sur le terrain, la ligne d’attaque forme un W, celle des défenseurs un M.
 
Pourquoi le WM ?
À l'époque, la règle du hors-jeu a changé. Il fallait trois joueurs (le gardien et deux défenseurs) pour s’y faire prendre. À partir des années 20, il ne faut plus que deux défenseurs: l'avantage est donné à l’attaque. Le WM répond à cette évolution.
 
 
 
Notamment avec l’introduction du marquage individuel, qui minimise les risques du hors-jeu...
Oui, c’est aussi une réponse au problème du hors-jeu. Et puis, jusqu’aux années 1950-60, la qualité technique des défenseurs est bien moindre que celle des attaquants. On crée donc un surnombre derrière. Le professionnalisme, puis l’introduction du contrat à temps plus tard, changeront lentement les choses.
 
Le milieu apparaît avec le WM ?
Il prend de la consistance avec les inters et les demis. On commence à entrer dans une mobilité du jeu. Il devient difficile de sauter la ligne du milieu de terrain.
 
Et devant, le principe consiste, pour l’ailier, à déborder et centrer.
Cela a été vrai jusque dans les années 1980. Maintenant, on peut jouer à deux devant avec une pointe et un gars qui tourne autour. Auparavant, c’était débordement et centre pour l’avant-centre.
 
Est-ce que les défenseurs participent au jeu dans le WM ?
Il est difficile d'être affrmatif. Déjà, il y a l’idée de soutien et d’appui. Soutien par la passe en retrait. Appui par la passe d’un défenseur vers l’avant. On commence à sortir des stéréotypes, les permutations apparaissent, mais c’est une sorte de marais. On tâtonne.
 
 
Du WM au 4-2-4
 
 
L'hégémonie du WM s'achève au cours des années 50…
Les Hongrois et les Brésiliens commencent à réfléchir à d’autres types de jeu. En 1954, quand les Hongrois perdent la finale de la Coupe du monde, ils jouent en 4-2-4. Ils ont fait descendre un milieu défensif à l’arrière. Un milieu offensif devient milieu tout court, l’autre devient attaquant. Le Brésil a pris la suite de la Hongrie, victorieusement en 1958.
 
La défense en ligne joue le hors-jeu.
Oui. Il y a plus de défenseurs, moins d’attaquants. Le milieu est globalement plus défensif. C’est l’histoire des sports collectifs que l’on retrouve dans ce mouvement. On pratique le marquage de zone, on joue le hors-jeu. Les notions de libero et de stoppeur n’apparaissent pas encore. Les latéraux ne débordent que rarement.
 
La dimension physique prend-elle de l’importance ?
Non, pas vraiment si l'on regarde les entraînements qui sont pratiqués jusque dans les années 1960. D’abord, l’éducation physique et la culture physique sont importantes, et le ballon pas si présent que ça. Cela ressemble un peu à de l’entraînement militaire : on rampe, on court, etc. Ensuite, il y a l’idée que l’entraînement est éloigné de la situation de jeu. Le joueur doit être préservé, on ne tire pas sur la corde. Par exemple, les coureurs de fond ou de demi-fond ne courent pas leur distance à l’entraînement, ou alors en plusieurs fois. C’est un entraînement de base pour tous, pour les milieux autant que pour les autres.
 
 
 
 
Le 4-2-4 est largement composé de tandems : deux défenseurs centraux, lien entre le latéral et son ailier, deux milieux, deux avant-centres. Est-ce que cela favorise le jeu court?
Cela marque la fin du kick and rush. Il y a de la permutation et de l’aide mutuelle. Si l'un monte, l’autre descend. La polyvalence s’accroît. C’est un jeu court, rapide, car il n’y a pas beaucoup de touches de balle.
 
Et le 4-2-4 en France ?
On peut le personnaliser avec le Saint-Étienne de Batteux, qui emprunte leur système aux Hongrois. Alors qu’à Reims, il jouait avec le WM d’inspiration anglo-saxonne.
 
Et à Nantes, à Monaco…
C’est difficile à dire car les clichés journalistiques ("école nantaise", "jeu à une touche de balle", etc.) ont pollué le débat. En revanche, l’entraînement devient plus physique. Pour en revenir à Saint-Étienne, le club a été plus inventif car il a copié plus vite que les autres. Snella, Batteux puis Herbin – avec le 4-3-3 et le foot total de l’Ajax – ont été voir ce qui se passait ailleurs, pratique inconnue en France à une époque où chacun restait chez soi.
 
 
L'ère du 4-2-4
 
 
Parlons des joueurs. Le gardien est-il plus mobile ?
Oui, à cause de la défense en ligne dont la pratique peut être dangereuse et forcer le gardien à sortir au pied. Mais ce n’est pas spectaculaire ; la règle récente qui oblige à jouer au pied après une passe en retrait a, à mon sens, beaucoup plus transformé le poste. De la même manière, le rôle du gardien dans la construction, par une relance courte au pied ou à la main, apparaît plus tard – notamment avec le libero et la polyvalence des latéraux.
 
Les défenseurs axiaux ne montent pas.
Globalement non, et il faut ajouter la notion de binôme: ils ont le même jeu. Le rôle des latéraux est de bloquer l’attaquant adverse. Ils n'effectuent que peu ou pas de redoublements avec l’ailier ou un milieu. L’idée de la colonne vertébrale est très forte : ce sont les joueurs centraux qui tiennent la baraque.
 
 
Que se passe-t-il pour les milieux de terrain ?
Leur statut est meilleur qu’avant. Déjà, on ne saute plus leur ligne. Ils ne sont ni défenseurs, ni attaquants, mais on passe par eux, ils font office de relais. Ce n’est pas un milieu créateur mais de médiation, de transition. Ils n’ont pas l'aura actuelle du numéro 10.
 
 
 
Le rôle neutre des milieux ne se retrouve-t-il pas dans la difficulté, à notre époque, à citer des noms de joueurs ?
Un peu, mais il en va de même pour les défenseurs et les gardiens, qui pouvaient rester des années et des années dans le même club. Ils étaient sous-estimés alors que les clubs investissaient fortement dans les attaquants.
 
Justement devant, comment les attaques se conduisent-elles ?
Les ailiers débordent et obligent ainsi les défenseurs à prendre le couloir. Et puis, il y a les deux avant-centres. L'un est un peu plus avancé que l'autre, mais l’idée de binôme est très importante : ils jouent ensemble.
 
Quelles sont les faiblesses du 4-2-4 ?
La défense en ligne et le hors-jeu, ce qui constitue une tactique risquée. Il y a aussi le problème de la récupération de balle dans l’entrejeu, sans réel pressing. Ensuite, il y a la prise de risque offensive qui pose problème dans les matches couperets.
 
En plus, l'efficacité du 4-2-4, jeu fait de passes précises et qui demande une technique sûre, dépend directement de la qualité des joueurs. 
Les équipes qui ont gagné avec ce système de jeu sont composées de joueurs talentueux : la Hongrie de Puskás, le Brésil de Pelé et tous les autres, Saint-Étienne avec Keita, Bereta, Revelli… Le 4-2-4 implique une logique de patience. L’idée, à l’époque, est que l’équipe qui gagne est celle qui a le ballon. Idée devenue fausse aujourd’hui puisqu'une forte proportion des buts est marquée après deux passes. C’est un foot de justice: celui qui a la balle a les occasions. Il faut donc être patient face aux défenses denses et être capable de garder la balle.

 

 

http://www.cahiersdufootball.net/article.php?id=4442&titre=4-2-foot-de-justice-interview-pascal-charroin-histoire-football

 

 

 

Deuxième partie:

 

 

LES MILIEUX DEVIENNENT TALENTUEUX

 

 

Après le WM et le 4-2-4, le football se tourne vers des tactiques moins romantiques: mais du catenaccio au 4-3-3, l'intelligence règne. Seconde partie de l'interview de l'historien Pascal Charroin.

 

L'invention du béton

D’où proviennent les tactiques ultra-défensives ?
L’invention naît en Suisse vers la toute fin des années 1930, à Berne. L’idée est reprise en Italie et popularisée au sein de l’Inter d’Herrera dans les années 1960.

 

L’une des réponses au 4-2-4 est le catenaccio...
Le 4-2-4 est système le plus offensif qui ait existé. Ensuite, l’enjeu a tué le jeu. L’idée du catenaccio est claire : on renforce la défense. Un milieu de terrain décroche et un joueur "libre" – le libero – se met derrière la défense. On joue ainsi en 1-4-3-2 ou en 5-3-2.

 

On revient au principe du WM, s’agissant du marquage individuel ?
Oui, à l'exception du libero : chacun a son bonhomme, sauf lui. D’une manière générale, le catenaccio est l’antithèse du 4-2-4. Là où, auparavant, l’important était de garder le ballon, ici, le principe est d’attendre ou de provoquer l’erreur, la perte de balle, et de contre-attaquer. Pourquoi en Italie? Peut-être pour des raisons politiques et financières. Le foot était un sport majeur et l’enjeu a primé sur le jeu.

 

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Helenio Herrera.

 

En gros, quel est le principe du catenaccio ?
Il implique une récupération basse du ballon et une contre-attaque rapide en peu de passes. Il faut des défenseurs de talent. On attire l’adversaire, on joue bas. Il faut accepter d’être dominé. Surtout, l’équipe doit avoir la capacité de se transformer au cours d’un match. D’assiégé, on passe très vite à assaillant.

 

Quelles sont les conséquences sur le gardien de but ?
Son rôle est plus classique que dans le 4-2-4, car il est protégé par son libero. Ce n’est pas un grand footballeur.

 

La nouveauté, c’est le libero…
Il ne marque personne et n’a aucune vocation offensive. D’ailleurs, même maintenant, ces joueurs montent peu, sauf sur coups de pied arrêtés – à l'exception de joueurs comme Beckenbauer ou Blanc. Latéralement, il couvre ses défenseurs, il "flotte" côté ballon.

 

Comment réagit la ligne arrière ?
La dimension du marquage individuel est importante. La transmission de la balle doit être propre. Ce ne sont pas que des "bourricots".

 

Les latéraux ont-il enfin un rôle offensif, à l’image de Facchetti à l’Inter Milan ?
C’est plus vrai que dans le 4-2-4. Les latéraux compensent le potentiel offensif amoindri de l’équipe. On ne parle pas encore de couloir, mais d’aile.

 

Les milieux de terrain ont-ils un rôle plus important qu’auparavant ?
Ils incarnent la capacité de transformation de l’équipe. Ils doivent être adroits car, comme l’équipe n’a pas souvent le ballon, il ne faut pas se rater. Ce sont eux qui déclenchent les contre-attaques.

 

Et les attaquants ?
Le jeu de contre-attaque les oblige à être rapides. Et opportunistes, parce qu’il y a beaucoup de temps faibles pour peu de temps forts : il faut aller vite et être efficace.

 

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Giacinto Facchetti.

 

On parle toujours d’ailiers ?
Oui, cela ne change pas : ils débordent et centrent.

 

Le catenaccio s’est-il importé partout ?
C’est quand même une spécialité italienne. À défaut du système de jeu, c’est plus l’état d’esprit, la culture de ne pas perdre, qui se sont étendus ailleurs.

 

L’avantage de ce système de jeu n'est-il pas qu'il ne nécessite pas de grands joueurs ?
Oui, à l’exception de l’avant-centre. Il faut quand même de bons défenseurs. Mais il est vrai que la rigueur est peut-être plus importante que le talent.

 

L'exigence physique s'accroît ?
Pour les avants, oui, mais le catenaccio ne demande pas spécialement une dépense physique supérieure. C’est plus épuisant psychologiquement, puisqu'il faut se laisser dominer, que physiquement.

 

Le jeu de contre-attaque se traduit-il par plus de jeu long ?
C’est utile pour déclencher une contre-attaque rapide, mais ce n’est pas dukick and rush.

 

Quelles sont les faiblesses du système ?
On ne perd pas beaucoup, mais on ne gagne pas beaucoup. La valeur technique et physique de certains grands joueurs l’a rendu obsolète. Si ceux-là cassent le cadenas, l’équipe a de grosses difficultés pour revenir car elle n’est pas faite pour attaquer!

 


Vers le 4-3-3

La clé pour dépasser le catenaccio est le 4-3-3. Qui l’a mis au point ?
L’Ajax et l’équipe nationale des Pays-Bas dans les années 1971-1974.

 

Plus qu’un changement tactique, c’est un autre état d’esprit...
La notion de polyvalence apparaît. Kovacs avance l’idée de football total. Les arrières latéraux savent attaquer, les milieux créent. Le milieu offensif peut-être considéré comme un grand joueur: Cruyff, par exemple, alors que la star du 4-2-4, Pelé, était sur la ligne d’attaque.

 

La dimension physique prend encore plus d'importance.
Les joueurs doivent posséder plusieurs qualités dans leur registre technique : passe, dribble, débordement. C’est la grande période des combinaisons. Les arrières sont disponibles physiquement car, en face, les milieux sont devenus talentueux. On défend sur l’homme et pas en zone, donc il faut le suivre et en avoir les moyens physiques. Le stoppeur prend l’avant-centre, les latéraux s’occupent des ailiers. Le libero est libre.

 

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Et les deux hommes de la charnière centrale développent leurs caractéristiques propres.
L'ASSE des années 1970 est un bon exemple. Le stoppeur stoppe l’avant-centre. Herbin a copié le modèle. On a toujours dit que ses Verts n’étaient pas techniques, mais c’était surtout le fait des journalistes extérieurs: "une équipe de la mine", etc. Mais il y a Bathenay, Larqué! Ils mouillent le maillot mais c’est aussi parce qu’il sont mieux préparés que les autres. Le milieu est technique. La faiblesse serait plutôt devant avec Sarramagna et Patrick Revelli, qui étaient des travailleurs et qui, paradoxalement, n’étaient pas les plus aimés. Pour en revenir à la charnière centrale, Piazza, qui était stoppeur, était au marquage... sauf quand il montait. Ce n’était pas un dribbleur mais il avait une telle masse physique! Seul Lopez était véritablement défensif car Janvion était un ancien attaquant et Farizon était irréprochable physiquement. C’est une défense en ligne avec marquage individuel. Dans la presse apparaît la notion de duel: Janvion contre Chiesa, Janvion contre Blokhine.

 

Le 4-3-3 et le foot total, n’est-ce pas aussi l’obsession de la supériorité numérique dans les différentes zones du terrain ?
Ce principe a toujours existé, je ne sais pas s'il est vraiment propre au 4-3-3.

 

Passons aux postes. Le gardien, par exemple.
Il participe cette fois à la construction, relance vers les latéraux. Comme il y a de grands joueurs par la taille en face, il sort de sa ligne sur les centres.

 

Qui est l’aboyeur de l’équipe ? Le gardien, justement, par son recul et sa vision du jeu?
Sur les coups de pied arrêtés, c’est le cas. Sinon, c’est plus le libero ou le stoppeur. Le libero doit être rigoureux, à l’écoute de la consigne, c’est lui qui commande le hors-jeu.

 

Le libero est donc le patron. A-t-il un rôle offensif ? 
Il peut monter, mais ce n’est pas sa priorité car ils ne sont que quatre derrière. S’il est grand, il monte sur les coups de pied arrêtés. On commence à voir des morphotypes de poste. Le libero a un physique plutôt quelconque à côté du stoppeur, qui est plus costaud. La révolution arrive par les latéraux. Ce sont des arrières de débordement, à l’origine d’anciens attaquants comme Janvion.

 

Les milieux de terrain ?
On a un numéro 10 créatif. C’est le joueur clé. Toutes les grandes équipes ont un grand numéro 10: Cruyff, Larqué, Michel... jusqu’à Zidane, d’ailleurs. Il est axial, a du recul pour voir ce qui se passe devant et il est plus libre qu’avant. Ce sont souvent de bons tireurs de coups francs.

 

Et les autres milieux ?
Le numéro 8 est plutôt offensif, comme Bathenay ou Giresse à côté de Platini, en équipe de France. Son acolyte a une vocation défensive, comme Synaeghel: un travailleur obscur, un milieu récupérateur. À l'époque, il y en a un seul.

 

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Gérard Janvion (via Foot Nostalgie).

 

Devant, on voit deux ailiers et un avant-centre.
C’est l’époque des grands avants-centres : Carlos Bianchi, Gerd Müller, Hervé Revelli. Ils touchent peu la balle mais sont efficaces. On voit de nouveaux gestes techniques: contrôle dos à la cage et tir en pivot, alors qu’avant, le joueur courait dans le sens du match. L’image est celle du "renard des surfaces".

 

Quelles sont les faiblesses du 4-3-3 ?
Pour l’exploiter, il faut une grosse capacité physique. Je pointe aussi l’importance capitale des milieux de terrain comme Larqué, ou Platini qui a caché la misère lorsqu’il était à Saint-Étienne. Il faut aussi de vrais ailiers de débordement qui n’ont "qu’un pied".

 

Peut-on dater la fin du 4-3-3 ?
Au début des années 1980, avec l’avènement du 4-4-2, on retourne à la prudence. L’enjeu redevient dominant. De nouveaux patrons (Bez, Tapie, Borelli) arrivent et veulent des résultats. On fait reculer un attaquant. La ligne arrière est peu modifiée, mais on défend en zone. Dans l'entrejeu, on assiste à une séparation entre milieux défensifs et offensifs, avec l’avantage aux premiers. On se spécialise dans la tâche, on supprime les joueurs les moins importants. Les ailiers ne concrétisaient pas, les milieux sont passeurs, donc ils les remplacent. Les ailiers débordaient et centraient, mais les latéraux peuvent désormais le faire! Devant, on met souvent un pivot et un gars qui tourne autour. On revient à l’état d’esprit du catenaccio: le but est de marquer une fois.

 

http://www.cahiersdufootball.net/article.php?id=4444&titre=les-milieux-deviennent-talentueux

 

 

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Fred Pentland : et le tiki-taka fut

 

 

Il y a cent ans, le jeune manager anglais Fred Pentland débutait un périple européen qui durerait plus de vingt ans. Une aventure qui débouchera sur un évènement aussi sensationnel que majeur : l’apparition du tiki-taka en Espagne.

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Les Britanniques ne se sont pas contentés de codifier les règles du football et taper les premiers dans le cuir, il s’en faut. Ils ont aussi largement contribué à sa dissémination et son essor de par le monde, tels d’infatigables missionnaires du ballon rond. Ironique rictus de l’histoire : alors que les clubs et leurs dirigeants imposaient autocratiquement le kick and rush dans la Perfide Albion, bon nombre de sujets de sa Majesté enseignaient au reste de la planète un tout autre modèle, universellement considéré aujourd’hui comme plus élégant, plus efficace et, non sans une pointe de condescendance, plus noble.

Souvent marginalisés ou rejetés au pays pour leurs idées trop audacieuses ou avant-gardistes, beaucoup de ces voyageurs visionnaires devinrent très convoités à l’étranger. Parmi les grands pionniers, Fred Pentland, un gentleman excentrique qui fumait le puro (type de cigare) pendant les entraînements en portant costard-cravate par des chaleurs étouffantes. Mais Pentland, c’est surtout celui qui inculqua patiemment aux Espagnols les principes et vertus du beau jeu.

Golgoths versus Esthètes

 

En schématisant (car la réalité est évidemment plus nuancée), on pourrait résumer l’histoire stylistique du football sur son premier siècle d’existence - approximativement de 1860 à 1960 - à l’opposition entre deux grands courants : le jeu rudimentaire et physique vs celui basé sur la créativité et technique. En Angleterre, une fois réussie la greffe du passing game écossais sur le football anglais au cours des années 1870 (avatar qui le délesta de ses dernières traces rubgystiques - voir mon dossier là-dessus), on privilégia la physicality et ce que beaucoup ont appelé pudiquement direct football. Les raisons de cette orientation tiennent principalement à l’origine historique et sociale du sport au Royaume-Uni, ainsi que peut-être également au climat (les terrains lourds favorisant le kick and rush), bien que ce dernier point parfois avancé par les historiens du football soit moins convaincant, pour diverses raisons.

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Pendant plus d’un siècle, le long-ball gameroute one football ou hoofball (autres surnoms du kick and rush, terme inventé dans les années 1950) régnèrent quasi hégémoniquement en Angleterre. Indépendamment des tactiques et dispositifs utilisés (principalement le 2-3-5 avant le crucial changement de la règle du hors-jeu en 1925, qui accoucha du WM, un 3-2-2-3 révolutionnaire), la grande majorité des managers anglais optèrent donc pour une approche robuste et sans fioritures. Puis, l’influence des coupes d’Europe d’abord, à partir de 1955 (ajoutée à la multiplication des rencontres internationales), ainsi qu’une lente pollinisation croisée et hybridation entre les deux « blocs », changeront quelque peu la donne et brouilleront les cartes. Pour autant, nombre d’entraîneurs britanniques ne furent jamais convaincus par cette soi-disante supériorité du physique. Dès le début du XXè siècle, leurs voix dissonantes s’élevèrent mais ils furent soit ignorés et absorbés par le système soit poussés à l’exil. Fred Pentland fut l’un de ces « dissidents » qui dut aller prêcher sa bonne parole à l’étranger [1].

Exil forcé

 

Après une honnête carrière d’attaquant/ailier de D1 de 1903 à 1913 (principalement à Blackburn Rovers et Middlesbrough - 5 capes anglaises) écourtée par une blessure au genou, Pentland se sent l’âme d’un manager. A Boro, il a évolué aux côtés de l’extraordinairement prolifique avant-centre Steve Bloomer (deuxième meilleur buteur de l’histoire de l’élite anglaise - 317 buts -, derrière Jimmy Greaves et devant Thierry Henry) un personnage qui comptera dans le développement du football à l’étranger, en particulier en Espagne.
Fin avril 1914, à 40 ans, Bloomer raccroche les crampons et conseille à Pentland de le suivre en Allemagne où, pense-t-il, leur vision du football, tout en jeu court et en mouvement, rencontrera plus de succès qu’en Angleterre où la grande majorité des dirigeants et directoires de clubs (omnipotents, jusqu’à sélectionner eux-mêmes les joueurs) ne jurent que par un kick and rush rigide. Les Européens s’initient alors au football et les Britanniques, qui le pratiquent déjà assidûment depuis un demi-siècle, sont vus comme les principaux détenteurs et diffuseurs du savoir.

En juillet 1914, Bloomer se fait embaucher par le Britannia Berlin 92 (aujourd’hui le Berliner SV1892, club amateur) et Pentland prend en charge l’équipe d’Allemagne Olympique.
Las, la guerre éclate deux mois plus tard et Pentland est envoyé dans le camp de prisonniers civils de Ruhleben près de Berlin, où il retrouve Bloomer ainsi que de nombreux autres footballeurs britanniques. Il y restera quatre ans et partagera son temps entre le coaching sportif de militaires allemands et l’organisation d’un championnat interne de football. La guerre terminée, il est nommé entraîneur de l’équipe de France Olympique - ci-dessous - qui se prépare pour les J.O 1920 d’Anvers (elle sera éliminée en demi-finale par la Tchécoslovaquie).

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Espagne, terre d’accueil

Peu après, Pentland reprend son baton de pélerin, direction l’Espagne. A l’époque, il n’est guère de terres potentiellement réceptives au football laissées en friche par les Britanniques. Pour beaucoup de ces pays et territoires, la démarche ne relevait pas d’un quelconque prosélytisme ou d’une « évangilisation » footballistique planifiée mais simplement d’un processus naturel, une inévitabilité due à une forte présence planétaire britannique. Dans les pays que ces derniers n’exploitaient pas directement (au propre comme au figuré) dans le cadre de leur vaste Empire, cette population britannique, sédentaire ou itinérante (parfois militaire), transmettait son savoir-faire dans d’innombrables domaines (commerce, industrie, ingénierie, mines, sidérurgie, chemins de fer/transports, chantiers navals, import-export, textile, agriculture, banque/finance, presse/publicité, assainissement, administration, diplomatie, etc.).

Parfois, ce furent des autochtones anglophiles ou des tournées de clubs britanniques qui contribuèrent à accélérer un engouement naissant (e.g le fameux club londonien Corinthian FC en Afrique du Sud en 1897, Swindon Town en Argentine-Uruguay en 1912 ou Chelsea et Exeter City au Brésil en 1914 [2]). Un exemple plutôt inattendu de ce quadrillage serré du terrain planétaire est l’Amérique du Sud : rien que dans la région de Buenos-Aires à la fin du XIXè siècle, on estime la diaspora britannique (Irlande incluse, puisque intégrée au Royaume-Uni) ou d’origine britannique (descendants d’expatriés/colons) à environ 60 000 âmes.

Sur le continent européen, et notamment l’Espagne, ce sont surtout les relations commerciales et industrielles avec le Royaume-Uni qui sont à l’origine du développement du football. Les cités portuaires espagnoles situées sur la façade Atlantique [3] seront parmi les premières bénéficiaires de cet essor (à l’instar du Havre AC en France), notamment celles où l’industrie navale, la mine et/ou la sidérurgie dominent.

 

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Le Havre AC, doyen des clubs français et fondé par des Anglais. En gros donc, Vikash Dhorasoo, c’est la faute aux Rosbifs (crédit photo : nos amis du Moustache Football Club).

 

C’est dans ce contexte riche en brassage humain, en échanges et opportunités de toutes sortes que Fred Pentland arrive au Racing de Santander en 1920.

Du kick and rush espagnol au tiki-taka anglais

Le Racing est un club en plein développement et Pentland s’y taille immédiatement une belle réputation. Il attire vite la convoitise d’un gros morceau : le voisin de l’Athletic Club (Athletic Bilbao), déjà huit fois vainqueur de la Coupe du Roi (le championnat national de la Liga n’existe pas encore - créé en 1928 - mais la Copa del Rey a démarré en 1903). Preuve de la forte popularité des entraîneurs brito-irlandais : Pentland est remplacé au Racing Santander par le Dublinois Patrick O’Connell, un ex Red Devil qui dirigera Los Racinguistas pendant sept ans puis d’autres clubs espagnols (dont le Barça) jusqu’en 1949.

Le nouveau club de Pentland a été co-fondé en 1898 par des étudiants espagnols anglophiles aidés d’ouvriers navals et gueules noires britanniques (principalement originaires de Sunderland et de Southampton/Portsmouth, d’où le maillot rouge et blanc). L’Athletic a essentiellement été managé par des Anglais (adeptes du kick and rush) depuis sa fondation, dont Billy Barnes, un ancien attaquant de QPR temporairement exilé en Espagne en 1914 pour échapper à la Grande Guerre (il donnera à l’Athletic trois Coupes du Roi). Le football espagnol se professionnalise doucement et l’Athletic offre à Pentland un confortable salaire mensuel de 1 500 pesetas assorti de primes.

C’est chez Los Leones que Pentland va gagner ses galons de grand entraîneur. Décrit par Wikipedia comme ayant « révolutionné le football alors pratiqué par l’Athletic », celui que l’on surnomme désormais El Bombín (l’homme au chapeau melon) fait en effet découvrir à ses protégés un football patient mais vif, basé sur la conservation du ballon, les passes courtes et les enchaînements rapides.
En fait, un tel jeu avait déjà été pratiqué par l’Athletic avant Barnes mais trop sporadiquement pour imprégner le club d’une quelconque « philosophie » de jeu. Pentland tient à former des joueurs complets, polyvalents et à l’aise balle au pied. Il a notamment évolué trois saisons à Blackburn Rovers où le même style de jeu était prisé et il s’en inspire (pour comprendre pourquoi Blackburn, voir article TK - en particulier lafootnote [5] - sur les débuts du football anglais et l’influence écossaise, surtout dans le nord de l’Angleterre). Il professionnalise l’équipe, innove et pendant les entraînements qu’il a modernisés et rendus quasi quotidiens, Pentland martèle ses mantras : circulation et maîtrise du ballon, possession, occupation de l’espace, fighting spirit et discipline.

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Son jeu posé, conquérant, s’appuyant également sur une présence physique solide, contraste avec les standards ibères existants. Jusqu’ici, le style péninsulaire se caractérisait fortement par son aspect direct, surnommé par les autochtones The English Way ou le « 1-2-3 » (trois passes maximum du gardien à l’attaquant). Fait a priori étonnant mais génétiquement logique : ce modus operandi avait été transmis par des immigrés Britanniques ou rapporté du Royaume-Uni par des Espagnols/Portugais.

Pentland vient tout bonnement d’exporter avec succès l’ancêtre du tiki-taka sur le sol espagnol. Cette rupture avec un passé encore tout frais est un moment séminal dans l’évolution du football ibérique et le séduisant template préconisé par l’Anglais sera vite copié et reproduit ad infinitum dans toute la péninsule.
En 1923, Pentland remporte la Copa del Rey avec l’Athletic. Les joueurs adoptent alors une coutume étrange : à chaque victoire significative, ils lui chipent son chapeau melon et le piétinent. El Bombín en commande alors une vingtaine par saison… La même année, Steve Bloomer, celui qui lui avait conseillé de partir en Allemagne neuf ans plus tôt, le rejoint au Pays Basque pour y coacher le Real Unión Club de Irún, l’un des dix clubs fondateurs de la Liga en 1928-29. Bloomer remportera la Copa del Rey 1924 avec les Txuri-beltz, battant le Real Madrid 1-0 en finale.

Succès sportif phénoménal

 

En 1925, après deux saisons blanches et des envies d’ailleurs, Pentland signe pour l’Atlético Madrid (alors appelé Athletic Madrid, info ici sur ses liens forts avec l’Athletic Bilbao), un club ambitieux qui vient de se faire construire un stade de 36 000 places. Les Colchoneros atteignent la finale de Coupe du Roi en 1926 mais Pentland a la bougeotte et file à Oviedo l’année suivante, avant de revenir chez à l’Atlético en 1927 pour y remporter le championnat régional du Campeonato del Centro. Au printemps 1929, à la demande du sélectionneur espagnol, il fait même une pige comme entraîneur-adjoint de la Roja le temps d’un match et en profite pour battre l’Angleterre4-3 le 15 mai 1929 à Madrid devant 45 000 spectateurs, la première défaite de ses compatriotes contre une sélection non britannique. Sa cote est au zénith et il retourne à l’Athletic Bilbao.

Le retour du fils prodige va s’avérer extrêmement fructueux : doublé Liga-Copa del Rey en 1930 et 1931. Le 8 février 1931, l’Athletic inflige au Barça la plus lourde défaite de son histoire : 12-1.

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Les titres 1932 et 1933 échappent de peu aux Basques (2è derrière le Real Madrid) mais pas la Coupe du Roi ces deux saisons-là. En 1933, Pentland repart à l’Atlético Madrid. Il y reste deux saisons avant que la guerre civile ne l’oblige à rentrer en Angleterre, où il pige comme entraîneur-adjoint de Brentford (D1) en 1936 avant d’aller manager un petit club du Nord-Ouest de janvier 1938 à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale. Entre-temps, l’Athletic a continué sur sa lancée et remporté les titres 1934 et 1936 (ce dernier sous la houlette de l’Anglais William Garbutt, surnommé « The Father of Italian football » par l’auteur Paul Edgerton).

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Le 8 décembre 1959, le presque octogénaire Pentland foule la pelouse d’un San Mamés archicomble pour donner le coup d’envoi d’un Athletic-Chelsea donné en son honneur (photo ci-dessus). L’Athletic l’a invité pour lui remettre une haute distinction locale. Une reconnaissance on ne peut plus méritée : les Rojiblancos ont remporté douze trophées sous Pentland. A son décès, le 16 mars 1962, un service religieux en sa mémoire sera célébré dans la « cathédrale » San Mamés.

Méconnu et largement oublié en Angleterre, Pentland est considéré au Pays Basque comme le réel fondateur de l’Athletic, celui qui lui donna ses lettres de noblesse et lui permit de rivaliser longtemps avec les grands. A ce titre et d’autres, on se remémore souvent ce gentleman en lui réservant une place de choix dans la mémoire et l’iconographie footballistiques basques. Idem pour l’Espagne, heureuse héritière de sa formidable legacy qui perdure aujourd’hui, avec la vigueur et le succès que l’on sait. Pour sûrement encore longtemps.

 

 

http://cahiersdufootball.net/blogs/teenage-kicks/tag/kick-and-rush/

 

 

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LE MARACANAÇO OU COMMENT LE BRÉSIL A CHANGÉ DE COULEUR


 


On l'oublie souvent, mais le Brésil a attendu trente ans avant de remporter sa première Coupe du monde. La Seleção aurait pu accomplir l'exploit huit ans plus tôt sur ses terres si l'Uruguay ne s'était pas mis en travers de son chemin. Et si, visiblement, son maillot avait été plus patriote. À l'heure où Neymar et ses potes ambitionnent de glaner une sixième étoile au Maracanã le 13 juillet prochain, retour sur un fait qui transforma l'image de l'équipe du Brésil. Voire un peu plus.


 


http://www.sofoot.com/le-maracanaco-ou-comment-le-bresil-a-change-de-couleur-184083.html


 

 

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LE MILAN AC DE CARLO ANCELOTTI

 

Le Milan AC avait marqué l’année 2007 par un doublé Ligue des champions-Coupe du monde des clubs: analyse du 4-3-2-1 d'alors...

 

Cette "chronique tactique de Michel Brahmi" était parue dans les Cahiers du football #41, février 2008.

 

Carlo Ancelotti est un entraîneur pour lequel spectacle, jeu offensif, vitesse et dynamisme sont les bases mêmes du football. Dès ses premiers pas de technicien (après avoir notamment été un joueur du Milan AC d’Arrigo Sacchi couvert de titres), il affirme en introduction de sa thèse d’entraîneur professionnel: "Dans le football actuel, il est une demande toujours plus grande d’une partie du public en faveur d’un produit qui soit de plus en plus spectaculaire et divertissant, au-delà de ses aspects économiques. Le public est à la recherche d’émotions et, dans le football, ces émotions sont déterminées par le développement de solutions offensives imprévues, avec l’objectif d’arriver à l’accomplissement de ce qui est notre objectif: le but!"

 

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La loi du milieu

Les ambitions techniques d’Ancelotti le conduiront à mettre en place, dans les diverses équipes qu’il dirigera, un 4-4-2 très offensif qu’il maintiendra les premières années au Milan avant, à partir de 2006 (en particulier avec le départ de Chevtchenko et la montée d’un cran de Seedorf), de se diriger vers un 4-3-2-1 que nous allons analyser.

 

Dans la logique offensive d’Ancelotti, le choix du 4-3-2-1 résulte à la fois des caractéristiques des joueurs à sa disposition – en particulier les joueurs offensifs (Kaká et Seedorf)– et du placement de Pirlo en meneur de jeu reculé. Avec les avantages que ce système garantit en phase offensive et de finition... Tassoti, l’entraîneur adjoint, l’explique ainsi: "En adoptant le 4-3-2-1 et en disposant donc d’un meneur bas et de deux joueurs habiles à se déplacer parmi les lignes adverses, nous obtenons la possession de la balle, et la gestion des rythmes du match est facilitée. Cela nous permet d’être souvent maîtres du terrain."

 

Pirlo est en effet un joueur extrêmement habile dans l’organisation de la manœuvre, tandis que la qualité des milieux offensifs est fondamentale pour conclure l’action. Placer Seedorf et Kaká en retrait, dans le dos d’une seule pointe centrale avancée, impose toutefois une adaptation au système adverse, dans l’intention de le contrarier.

 


Le problème Pirlo

La plupart des équipes jouant à quatre ou trois défenseurs, ceux-ci se trouvent en grande difficulté au marquage de ces trois joueurs dont deux permutent sans cesse. Premier dilemme à résoudre pour les adversaires du Milan: les défenseurs latéraux doivent-ils se recentrer et laisser libres les côtés? Le problème est d’autant plus compliqué que les défenseurs latéraux rossoneri (Oddo et Maldini ou Kaladze) ont pour consigne de monter très haut simultanément – ce qui est peu ordinaire en cet ère de prudence – afin de forcer l’équipe adverse à couvrir toute la largeur du terrain avec ses deux milieux offensifs. Autre question: les deux milieux de terrain centraux doivent-ils recoller à la défense, eux qui sont souvent chargés de contrôler un seul milieu offensif (en l’occurrence, le créateur de jeu)?

 

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Ensuite se pose à eux le problème Pirlo. Par sa position relativement basse sur le terrain, au même niveau que les deux pistons Gattuso et Ambrosini, Pirlo voit se desserrer le marquage des milieux défensifs adverses (déjà occupés à contrôler les milieux offensifs). Et si l’un d’eux vient au marquage sur lui, il libère un espace où peuvent s’engouffrer d’autres Milanistes. La solution du marquage de Pirlo ne vient donc, la plupart du temps, que d’un joueur adverse à vocation offensive. Dans ce cas-là, Gattuso et/ou Ambrosini se recentrent pour prendre le jeu à leur compte.

 

Le jeu de Pirlo est assez simple: passe pour Kaká et Seedorf dans le dos des défenseurs ou entre les lignes, ou bien ouverture pour les défenseurs latéraux lorsque les solutions axiales sont bouchées (schéma 1). C’est lui, le plus souvent, qui dicte le rythme et les temps de jeu. Ensuite, le talent de ces joueurs fait le reste, au travers d’un travail de collaboration entre eux et la pointe avancée (Inzaghi ou Gilardino) dont la position est essentiellement axiale et qui joue le rôle point d’appui et de remiseur... mais aussi de buteur. La ligne des trois milieux, derrière eux, est prête à changer le jeu s’il le faut.

 


Danger sur les côtés

En phase défensive avec un 4-3-2-1 très porté sur l’offensive, la difficulté est de bien défendre dans la largeur : on peut en effet souffrir sur les changements de jeu si le pressing sur le possesseur adverse est insuffisant. Lorsque le latéral adverse en possession de balle est reculé, c’est le milieu offensif milanais (Kaká) qui sort vers lui (joueur 1 du schéma 2). Si, en revanche – par exemple à la suite une rapide circulation de balle –, l’arrière adverse reçoit la balle dans une position plus avancée (joueur 2 du schéma 2), c’est le milieu récupérateur (Ambrosini) qui presse, tandis que le milieu offensif côté ballon (Kaká) doit couvrir et empêcher la passe en retrait. Ce système n’exige pas la présence du cinquième homme (Seedorf) en défense du côté faible, puisque la distance que devrait couvrir le milieu récupérateur opposé (Gattuso) est excessive?: il est donc plus opportun que ce dernier se recentre.

 

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Avec ce dispositif, les latéraux sont peu appelés à glisser en couverture, du fait de leur placement haut au moment de la perte de balle, et les centraux doivent accepter des oppositions à égalité numérique avec les attaquants adverses. Si l’équipe peine à défendre de manière adéquate, ou lorsque le déroulement du match l’impose, elle se reconfigure dans un 4-4-2 qui donne de meilleures garanties défensives. En revanche, la présence de cinq éléments – trois milieux de terrain récupérateurs et deux offensifs – dans la zone centrale (et névralgique) du terrain permet le maintien d’un bloc homogène face aux attaques axiales.

 


Produit d’exportation

À la manière d’un Liverpool en Angleterre, les lauriers cueillis par le Milan AC le sont le plus souvent à l’extérieur des frontières, ce que confirme Carlo Ancelotti: "De fait , le jeu du Milan est plus efficace en Europe que dans le championnat italien. En Europe, il y a plus d’espaces, et la confrontation avec les meilleures équipes des autres pays exalte nos qualités et permet d’exprimer au mieux le football que nous proposons."

 

Sous l’ère Ancelotti, le Milan AC aura ainsi remporté un scudetto (2004), une coupe (2003) et une Supercoupe d’Italie (2004), alors que dans le même temps, il aura été vainqueur de deux Ligues des champions (2003 et 2007, pour trois finales et une demi-finale), de la première Coupe du monde des clubs 2007 et de deux Supercoupes d’Europe.

 

Ces derniers temps, pour y remédier, Ancelotti est revenu par moments au 4-4-2 avec Pato et Ronaldo en pointe, Kaká en électron libre et Seedorf remplaçant Gattuso (suspendu ou blessé) ou Ambrosini. Si l’efficacité offensive a été au rendez-vous – avec un 5-2 contre Naples dès la première expérience?–, le déséquilibre défensif affiché avec un Seedorf porté vers l’avant quasiment jusqu’à la hauteur de Kaká, a également été patent. Il y a fort à parier que le 4-3-2-1 traditionnel reviendra en même temps que la Ligue des champions, face à un Arsenal FC n’ayant pas grand-chose à envier au tenant du titre... [1]

 

http://www.cahiersdufootball.net/article-le-milan-ac-de-carlo-ancelotti-4434

 

 

 

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Lyon : sur les traces de l’AS Monaco ?


 


 


11 buts en 2 matchs face à l’AZ Alkmaar, 4 buts face à Dijon, la Roma et Toulouse, 5 face à Metz… Depuis un mois, l’attaque lyonnaise fait des ravages. Seule la défense de Bordeaux a su résister à Alexandre Lacazette et sa bande en n’encaissant qu’un but. Au total, l’OL est sur une série de 29 buts inscrits sur les 7 dernières rencontres pour 6 victoires et 1 match nul.


 


L’OL a-t-il enfin réglé ses problèmes collectifs pour bien finir la saison ou est-il avant tout en train de surfer sur une dynamique ultra-positive ? Essayons d’y voir plus clair à l’aide de quelques chiffres, en commençant d’abord par leurs Expected Goals sur ces 7 dernières sorties.


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Le graphique est sans équivoque : depuis le second succès face à Alkmaar (7-1), l’attaque de l’OL est sur une dynamique assez incroyable. Les Expected Goals sur la période affichent entre 17 et 18 buts, les Lyonnais en ont mis 29. Onze de plus !


Des chiffres princiers : 


Sur cette courte période, l’Olympique Lyonnais est tout simplement sur un rythme similaire à celui tenu par l’AS Monaco depuis le début de la saison. Les Lyonnais sont actuellement sous la barre des 5 tirs pour un but marqué, ce qui équivaut à un taux de conversion supérieur à 20%.


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Sur le Rocher, cette réussite devant le but s’explique en partie par la qualité des occasions obtenues. Les joueurs de Monaco tentent moins leur chance que les Lyonnais (13,7 tirs/match contre 15,9 en Ligue 1), mais leurs positions de tir sont meilleures. Depuis le début de la saison, leur xG/tir s’élève à 0,128 contre 0,122 pour les Lyonnais.


Les Monégasques sont d’ailleurs la 4ème meilleure équipe parmi les 5 principaux championnats sur cette stat, derrière Manchester City (0,141 xG/tir), le PSG (0,138) et le Borussia Dortmund (0,133). (Source : @ChallengersPod).


Avec un xG/tir de 0,122, Lyon fait aussi partie des très bons élèves au niveau européen. Mais ce n’est pas ce chiffre qui permet d’expliquer la dynamique actuelle. Car sur leurs 7 derniers matchs, on ne peut pas dire que les Lyonnais aient été constants dans ce domaine.


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Certes, l’OL a réalisé deux très gros matchs face à l’AZ et à Dijon, avec un grand nombre de grosses occasions (5 face contre Alkmaar puis 8 contre Dijon), mais il n’a pas vraiment confirmé par la suite. Il y en a ensuite eu 4 contre l’AZ et Metz, 3 contre Bordeaux, 1 seule contre la Roma (le but de Diakhaby) et enfin 2 contre Toulouse.


Recrudescence de solutions et de talents 


A défaut d’occasions de grande qualité, c’est sur la quantité que les Lyonnais font la différence. Sur leurs 7 dernières rencontres, ils ont franchi la barre des 20 tirs à 3 reprises : contre Dijon (32 tirs), Metz (27 tirs) et la Roma (23 tirs). Avec des joueurs de talent comme Lacazette, Fekir, Tolisso, Depay ou encore Valbuena, cela finit forcément par rentrer.


La mise en route de Memphis Depay, après un mois de janvier difficile, est au passage pour beaucoup dans la hausse de cette production offensive. Sur les 4 matchs qu’il a disputés en L1, il a été à la finition (passeur ou tireur) sur 40 tirs… Au total, l’OL en a obtenu 86 sur ces 4 rencontres. Bref, Depay est quasiment impliqué sur un tir sur deux (46,7% exactement). Dimanche contre Toulouse, son importance a encore augmenté en l’absence de Lacazette (8/12, soit 66,7%).


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La « nouvelle » profondeur du banc de touche lyonnais est aussi pour beaucoup dans la dynamique actuelle. Avec l’arrivée de Depay, le retour à un bon niveau de Valbuena et la renaissance (encore en cours) de Fekir, Bruno Génésio a aujourd’hui bien plus de solutions qu’en début de saison, où Lacazette était souvent trop seul.


Le poids du banc de touche est visible dans les statistiques puisque les entrants ont toujours participé à la fête, sauf dimanche dernier contre Toulouse où ils étaient déjà sur le terrain au coup d’envoi (Génésio ayant choisi de faire tourner son effectif) : Ferri a marqué à Alkmaar, Fekir contre Dijon et la Roma, Aouar contre l’AZ et enfin Valbuena a inscrit son nom sur la liste des buteurs face à Metz avant d’être passeur décisif face à Bordeaux.


Ces nouvelles solutions sur le banc ont en plus permis à Génésio de renverser des situations mal embarquées. Contre Dijon, Bordeaux et la Roma, les remplaçants ont fait la différence. L’entrée d’un offensif (Fekir ou Valbuena) à la place d’un défensif (Gonalons, Mammana) à 20/30 minutes de la fin a permis à l’OL de mieux terminer et de changer le résultat.


Certains choisiront de voir le négatif dans cette situation en avançant que l’OL ne se serait peut-être pas retrouvé en position de faiblesse si l’entraîneur lyonnais avait envisagé d’autres options (plus offensives ?) dès le coup d’envoi. Mais il y a quelques mois, ce dernier n’osait pas aller chercher le résultat quand celui-ci semblait lui tendre les bras.


A défaut de toujours convaincre avec son 11, Génésio a au moins trouvé une formule pour s’appuyer sur ses 18. Et qui sait… peut-être qu’un joueur comme Fekir est à l’heure actuelle plus utile dans une fin de match dominée par son équipe qu’au coup d’envoi d’un match attendu comme équilibré où il doit aussi penser à défendre.


Vis ma vie de Monégasques 


Evidemment, si les remplaçants marquent, cela signifie aussi que l’OL termine très bien ces rencontres. Sur le dernier mois, il a inscrit 11 de ses 29 buts dans le dernier quart d’heure… un échantillon qui équivaut au passage à la différence entre les Expected Goals et les buts marqués sur la période.


L’OL affole aussi les compteurs parce qu’il continue d’attaquer face à un adversaire qui se relâche (ou est déjà relâché comme Alkmaar), étant convaincu de la défaite. Dans ce contexte favorable, les attaquants sont moins nerveux et donc (souvent) plus efficaces. Le phénomène n’est pas nouveau et expliquait déjà une grande partie des cartons de Monaco depuis le début de la saison.


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Ce tableau montre que 64,3% des buts de l’AS Monaco n’ont pas eu d’incidence sur le résultat final. Sur la période de 7 matchs étudiée, l’OL est quasiment dans la même situation avec 18 buts inscrits sur 29 pour aggraver la marque, soit 62,1%.


La vraie difficulté pour une équipe est de réussir à avoir le même relâchement devant le but dans des situations plus compliquées. Ces festivals offensifs réussis en fin de match peuvent être l’occasion de« répéter » pour les rencontres plus serrées. La deuxième mi-temps face à la Roma, alors que l’OL était dos au mur, est peut-être le premier « fruit » de cette dynamique ultra-positive, démarrée à Alkmaar il y a un mois.


Reste à savoir combien de temps les Gones seront capables de surfer sur cette vague. Les déplacements à venir à Rome et à Paris vont être deux très bons tests pour voir si Lyon est capable de tenir sur la durée.ol_saison-1024x633.jpg


Aujourd’hui, l’OL s’en tire surtout grâce au talent de ses éléments offensifs, capables de faire la différence dans des situations compliquées. A priori, il est difficile pour les attaquants de reproduire de tels exploits sur une longue période. Mais l’OL a aujourd’hui une profondeur d’effectif et de joueurs talentueux qui va peut-être lui permettre masquer les carences collectives d’ici la fin de la saison.


Le problème se reposera en revanche à l’intersaison, en cas de départ de Lacazette et Tolisso.


 


http://www.chroniquestactiques.fr/ligue1-analyse-statistiques-olympique-lyonnais-reussite-dynamique-offensive-realisme-monaco-serie-genesio-depay-18171/


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La conclusion de l'article est TELLEMENT vraie : le seul salut de Lyon cette saison (et les saisons précédentes d'ailleurs) réside dans le talent pur de ses éléments offensifs.

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